Merci de me citer pour toute utilisation de texte ou figure (Bour, I., 2010. Thèse de Doctorat, Université Paris-Sud, Orsay)

VI- Massif de Bohême (partie 2)

VI.9. Résultats, modèles thermiques et interprétation à l’échelle des massifs annexes (suite)

VI.9.4. Fichtelgebirge/Oberpfälzer Wald/Thuringer Wald : bordure Ouest bohémienne

VI.9.4.1. Résultats

Les âges TFA obtenus sur la région de l’Oberpfälzer Wald  (Fig. 123) couvrent une gamme de valeurs comprises entre 60±3 et 126±4 Ma (10 échantillons : IB19 à IB27 et CZ26). Les lithologies prélevées dans cette région sont exclusivement des granites souvent porphyriques d’âge Carbonifère à Dévonien. L’extrême partie Est de cette région est caractérisée par un âge TFA significativement plus vieux (CZ26 : 126 Ma).
Les longueurs de traces moyennes couvrent une gamme de valeurs comprises entre 9,12±0,54 (IB27) et 13,15±0,26 µm (CZ26) avec un écart-type de 1,2 à 2,9 µm respectivement. Les moyennes de Dpar obtenues pour ces échantillons sont de 0,99 à 1,52. Cette région est caractérisée par des longueurs de traces confinées possédant des valeurs parmi les plus faibles du domaine bohémien.
Les longueurs de traces moyennes sont comprises entre 9,12±0,54 (IB27) et 13,15±0,26 µm (CZ26) avec un écart-type de 1,2 à 2,9 µm respectivement. Les moyennes de Dpar obtenues pour ces échantillons sont de 0,99 à 1,52. Cette région est caractérisée par des longueurs de traces confinées possédant des valeurs parmi les plus faibles du domaine bohémien.

A 120 km à l’Ouest de l’Oberpfälzer, les âges TFA de la Thuringer Wald sont compris entre 83±5 et 108±7 Ma (2 échantillons : IB01-02) et sont du même ordre de grandeur par rapport à l’Oberpfälzer (Fig. 123). Les données TFA sont issues à partir de granite intrusif carbonifère et de rhyolite permienne provenant des complexes cristallins de Ruhla  (IB01) et de Suhl (IB02).
La longueur moyenne de traces est de ~11,70±0,40 µm avec un écart-type assez large de 2,4 à 2,5 µm. Les moyennes de Dpar varient de 1,09 à 1,2 µm.

VI.9.4.2. Modélisations

Cette région possède une histoire thermique récente. Après une mise à l’affleurement durant une partie du Crétacé inférieur (phase d’altération et d’érosion : Meyer, 1981 ; Schröder et al., 1997), l’Oberpfälzer Wald est caractérisé par des températures supérieures à 100°C durant une grande partie du Crétacé supérieur (Fig. 124). Une baisse de la température du socle débute à partir du Campanien-Maastrichtien (~80-70 Ma) avec un optimum à la fin du Paléocène. Sur les parties Nord de cette région, une phase d’augmentation de la température débute à l’Eocène et culmine à l’Oligocène avec des températures avoisinant les 60-70°C. Cette dernière incursion thermique est suivie par un rapide épisode de refroidissement démarrant au Miocène.
Plus à l’Est (CZ26), les températures sont supérieures à 100°C jusqu’au début du Crétacé inférieur et montrent un rapide refroidissement jusqu’à l’Aptien qui est suivi par une période de stabilité thermique à des températures de surface (Fig. 124). Une phase d’augmentation de la température démarrant à l’Eocène (avec un pic relatif de réchauffement à l’Oligocène) n’est détectable qu’avec l’utilisation des données (U-Th)/He.

Les résultats de modélisations thermiques de l’extension la plus occidentale du massif bohémien (IB01-IB02 ; Fig. 123) montrent que la surface paléozoïque était à des températures au dessus de 100°C avant 90 Ma et 130 Ma (Fig. 125). Les profils temps-températures indiquent un refroidissement rapide d’environ 40°C sur une durée de 5 à 10 Ma, au début du Crétacé supérieur à l’extrémité Nord de la région et au Crétacé inférieur dans la moitié Sud, sans mise à l’affleurement de la roche. Les simulations montrent un évènement crétacé ne s’opérant pas à la même époque entre ces deux sites distant de 30 km. Les échantillons sont restés en limite supérieure de la zone de rétention partielle des traces de fission (60°C) jusqu’au début du Néogène où cette période est marquée par un dernier épisode de refroidissement (Fig. 125).

VI.9.4.3. Histoire thermique

a. Oberpfälzer Wald

Exhumation permo-trias
L’histoire d’enfouissement du soubassement de la région de l’Oberpfälzer Wald, peut être reconstituée jusqu’au Permien à partir des données traces de fission sur zircon issues des études sur le site de forage KTB (Hejl et al., 1997). Les données de Hejl et al. (1997) sur sept échantillons de zircon ont rapporté des âges TF entre 283 et 215 Ma et peuvent refléter une forte exhumation permienne et/ou triasique attestée par l’enregistrement sédimentaire.
La température maximale à 4000 m de profondeur est de 118°C (Emmermann et Lauterjung, 1997). Elle est calculée à partir d’un puits de forage du site KTB traversant jusqu’à 9000 m de roche. Le gradient géothermique de la bordure sud-ouest de la Bohême a été estimé à ~28°C/km (Coyle et al., 1997) correspondant à un flux de chaleur de surface de 70 mW/m². Les données zircon de Hejl et al. (1997) impliqueraient une érosion d’un toit de couverture sédimentaire post-Carbonifère de presque 10 km, si le gradient géothermique actuel est pris comme référence (28°C/km).
Cette hypothèse est corroborée par Schröder et al. (1997). Ces auteurs indiquent l’absence d’une importante couverture post-carbonifère qui pourrait être attribuée à un uplift du Permien jusqu'au Trias. D’épais dépôts clastiques permo-carbonifères se sont accumulés dans les cônes alluviaux à l'ouest de la Ligne Franconienne (Klare, 1989) indiquant que le bloc Cesky constituait un point haut à cette période.
Les reliefs bohémiens formés durant l’orogénèse varisque sont aplanis à la fin du Permien et une pénéplaine se développe à partir de la transition Paléozoïque-Mésozoïque (Suk et al., 1984). Au cours du Trias, l’environnement de dépôt du bassin SW germanique est essentiellement détritique et se réalisait dans un paysage de plaine alluviale (playa) dont l’apport du matériel sédimentaire serait issu de la désagrégation des reliefs bohémiens (Ziegler, 1990 ; Kempf et al., 2002 ; McCann, 2008).

Durant le Mésozoïque, deux grandes phases d’exhumation sont détectées dans la région (Crétacé inf. et sup.) à partir des données TFA de cette étude. Schröder (1987) décrit également dans cette région une inversion crétacée s’opérant en deux phases.

Inversions au Crétacé
Les simulations thermiques corroborent un épisode d’exhumation et d'érosion de la couverture sédimentaire Mésozoïque pendant le Crétacé inférieur et correspond à la réactivation tectonique de la bordure SW bohémienne. La présence de sédiments clastiques crétacés provenant du Fichtelgebirge plus au Nord et qui s’observent encore au pied de la ligne franconienne (Fig. 126A) sous forme de cônes alluviaux (Meyer, 1981 ; Schröder et al., 1997) reflète l'augmentation progressive de l'activité tectonique le long de la bordure SW bohémienne. L’avant pays de l’Erzgebirge plus au NE atteste une phase de non dépôt prouvée par des gisements de kaolin dont leur âge est fixé au Crétacé inférieur (Migon et Lidmar-Bergström, 2001).
Le long de la marge occidentale du massif bohémien, les séries mésozoïques présentent une inclinaison vers l'Ouest qui serait associée à une remontée du soubassement d'environ 1000 m (Schröder, 1976, 1987). La plate-forme Franconienne a subi un soulèvement et a été exposée pendant le Crétacé inférieur (Schröder, 1968 ; Meyer, 1981).
Pendant le Crétacé inférieur, l’extrême bordure Est du bassin SW germanique, le long de la ligne franconienne, a connu une inversion importante provoquant l'érosion totale de l’ancienne couverture sédimentaire triasique et jurassique (Klare et  Schröder, 1990). Ces dernières ont été profondément tronquées avant la transgression Crétacé supérieur.
La plate-forme Franconienne est également remontée et a été exposée pendant le Crétacé inférieur. L’inclinaison des séries mésozoïques en direction de l’Ouest démontre un important soulèvement de cette région. Les discordances du Crétacé supérieur sur le socle et le Jurassique cale temporellement cet évènement tectonique. Dans ce secteur, la phase érosive est démontrée par la présence d’une karstification des carbonates jurassiques qui montrent un processus érosif de la plate-forme d'environ 200 m (Schröder, 1968 ; Meyer, 1981).

Le second épisode d’inversion apparaît sur les profils thermiques de cette étude et s’initie dès la deuxième moitié du Crétacé supérieur. Il s’observe également dans les Sudètes avec un intervalle de temps assez similaire. Le refroidissement a été surtout gouverné par la dénudation régionale étant la conséquence d’un jeu de failles normales le long de la Ligne Franconienne. Il est estimé que la bordure SW du massif bohémien a été soulevée le long de la Ligne Franconienne d’environ 3000 m du Mésozoïque supérieur au Cénozoïque inférieur (Coyle et al., 1997 ; Hejl et al., 1997).
L’inversion enregistrée par les TFA à la fin du Crétacé supérieur est attribuable au début de la déformation compressive de la marge Sud europénne au Crétacé supérieur-Tertiaire inférieur. Cette inversion coïncide avec les événements orogéniques majeurs dans les Carpathes et les Alpes orientales, qui probablement, reflètent la collision des massifs alpin-carpatiques et de la plaque apulienne avec la plaque européenne. Cette collision se traduit par des déformations compressives dans l’avant-pays des Alpes orientales et des Carpathes.

Enfouissement au Crétacé supérieur
Les données TFA de notre étude sur la bordure occidentale du massif bohémien révèlent un important évènement d’enfouissement et d’érosion régionale post-crétacée inférieure. En relation avec le maintien d’une température du soubassement supérieure à 80°C durant la première partie du Crétacé supérieur (Fig. 124) et en tenant compte du gradient géothermique actuel, il est possible d’évoquer un enfouissement autour de 2000 m du toit de la Ligne Franconienne par des séries du Crétacé supérieur. Ce toit forme actuellement une structure antiforme. Hejl et al. (1997) corroborent également un enfouissement d'environ 1000 à 2500 m de Crétacé supérieur d’origine détritique dans cette région.
Le Crétacé supérieur de l’Oberpfälzer Wald s’observe actuellement au pied de la Ligne Franconienne (Fig. 126A) ainsi que sur l’extrême bordure du toit de la ligne Franconienne (Fig. 126A-B) constituant de ce fait une preuve sédimentologique de l’existence d’une ancienne couverture crétacée sur le socle de cette région.
Une étude de l’assemblage minéralogique du matériel détritique (anciens cônes alluviaux) appartenant aux séries du Crétacé supérieur au pied de la Ligne Franconienne (Dill, 1995, 1998 : Fig. 126B) a été réalisée. Les minéraux lourds ont été utiles dans la reconstruction du paléo-relief en bordure du bassin SW germanique en raison de leur variation régulière dans toute la séquence de progradation des cônes deltaïques. Les constituants minéraux des séries du Crétacé supérieur indiquent une importante érosion du socle granitique puis du socle gneissique.
Le taux de soulèvement au Crétacé supérieur était suffisamment important pour permettre aux constituants chimiquement instables, tels que les amphiboles et l'épidote, d’être transportés de manière intacte jusqu’au bassin. Le type d’association minérale dans les cônes fluviatiles met en évidence l’effet d’un transport long (source lointaine). Une plus grande variété minérale dans le matériel détritique peut être associée à la proximité du cône deltaïque par rapport à la région source (Dill, 1995), notamment à la fin du Crétacé supérieur.

Dill (1995) a proposé, dans ses reconstitutions des corps sédimentaires (Fig. 126B), le recouvrement du toit de la Ligne Franconienne par les premières séries sédimentaires du Crétacé supérieur jusqu’aux plutons granitiques sur une distance d’environ 12 km sans donner d’estimation sur l’épaisseur. Les données TFA corroborent cette hypothèse d’un recouvrement mais pour une ampleur et une extension plus importante. Le toit de la Ligne Franconienne constituait un point bas au même titre que le bassin SW germanique à proximité immédiate. En effet, l’histoire thermique des plutons granitiques de l’Oberpfälzer Wald indique un enfouissement sous environ 2000 m de matériel. Il n’est donc pas exclu que le matériel détritique provient de régions plus internes du massif bohémien pour la première moitié du Crétacé supérieur. Les plutons plus à l’Est de l’Oberpfälzer Wald (par exemple CZ26 : Fig. 124) sont à l’affleurement et confortent cette hypothèse.

Le développement d’une sédimentation au Crétacé supérieur a été régi par l’activité tectonique des faisceaux de failles de la ligne franconienne ainsi qu’un afflux croissant des dépôts clastiques en provenance des parties internes du massif bohémien (Schröder et al., 1997 ; Hejl et al., 1997).

Enfouissement au Néogène inférieur
Les simulations thermiques montrent une augmentation de la température pouvant être associée à une reprise de la sédimentation dès l’Eocène. Cette dernière culmine au Miocène inférieur. Cette tendance est d’autant plus marquée pour les sites situés dans le prolongement du graben de l’Eger. La phase de sédimentation peut être reliée à l’évolution tectono-volcanique du graben de l’Eger (Malkovsky, 1987 ; Huckenholz et Kunzmann, 1993 ; Peterek et Schröder, 1997). La subsidence de ce dernier est maximale durant l’Aquitanien supérieur et le Burdigalien inférieur où la sédimentation (dépôts continentaux gréseux) comble complètement la dépression (Chlupac et al., 1984 ; Malkovsky, 1987). Les sédiments clastiques continentaux de l’Oligocène sup. et  Miocène les plus proches de cette région subsistent 10 à 20 km plus à l’Est dans l'extension sud-ouest du bassin de l’Eger mais également sous forme de lentilles sédimentaires sur le socle cristallin de la région.

Inversion au Néogène supérieur
Un dernier grand épisode d’érosion affecte cette région au cours du Miocène et peut être rattaché à un accroissement tectonique mio-pliocène du front alpin. Une très dense étude TFA (Bischoff, 1993a, b ; Bischoff et al., 1993) confirme le soulèvement régional au Cénozoïque supérieur, comme l’a également suggéré Louis (1984) sur la base d’études géomorphologiques. Ce soulèvement a été responsable de la réactivation des faisceaux de failles (ligne franconienne) de la bordure sud-ouest bohémienne et a été relié au développement volcano-tectonique du graben de l'Eger (Schröder et al., 1997). Le Nord de l’Oberpfälzer est dans le prolongement SW de ce graben. A partir du Miocène supérieur, le massif bohémien a subi une surrection qui est encore active actuellement (Tyracek et Zeman, 1984 ; Ziegler, 1994).
La partie de l’Oberpfälzer située sur le côté Sud de l’extension SW des accidents tectoniques du graben de l’Eger indique une exhumation plus précoce démarrant dès la fin de l’Eocène. Cette tendance s’affirme au niveau des sites éloignés de l’extension SW du graben.

Variation locale des âges TFA : Hypothèse de la dislocation régionale
La région de l’Oberpfälzer Wald fait partie des sites de Bohême parmi les plus étudiés en terme  de données TFA et de données structurales notamment à partir du site de forage profond KTB. Entre 1985 et 1989, la région de l’Oberpfälzer Wald  a été soumise à un dense échantillonnage (plus de 100 échantillons : Fig. 127) dans les environs du forage KTB pour datation par TFA (Wagner et al., 1989 ; Bischoff, 1993 ; Coyle et al., 1997 ; Hejl et al., 1997 ; Wagner et al., 1997).
Avec le grand nombre de données TFA, une image inattendue mais détaillée de la tectonique de bloc différentielle du Mésozoïque sup. et au Tertiaire inf. a été obtenue le long de la marge occidentale du massif bohémien. Sur une distance relativement courte de moins de 50 km, les âges traces de fission sur apatites dans cette région varient par un facteur quatre. Les données TFA montrent une variation régionale significative causée par différentes histoires de refroidissement (Hejl et al., 1997 ; Wagner et al., 1997).
Les âges TFA sur des échantillons de surface synthétisés par  Hejl et al. (1997) au Nord de Weiden (Fig. 127) varient entre 59,1±4,5 et 109,5±10,5 Ma avec des longueurs moyennes de traces confinées comprises entre 12,69±1,95 et 14,66±1,05 µm avec des écart-types de 1,05 et 2,1 µm. Les âges TFA et leur distribution géographique déterminés par ces auteurs (Fig. 127) sont proches avec ceux obtenus dans cette étude. Les âges TFA sont plus importants sur l’extrémité Sud de la région (>125 Ma) et de moindre mesure sur les bordures NW (>85 Ma). En revanche les longueurs de traces déterminées par Hejl et al. (1997) sont significativement plus grandes (>14 µm) par rapport à celles déterminées dans notre étude. Ces auteurs utilisent un temps d’attaque à l’HNO3 de 60 secondes (contre 20 secondes pour notre étude). Cette « sur-attaque » acide de leurs échantillons peut être une hypothèse pour expliquer cette différence de résultats des longueurs de traces.

Une étude (U-Th)/He sur apatites (Warnock et al., 1997) a été réalisée dans un forage du site KTB et couvre une gamme d’âges compris entre 60,5 ± 3,9 et 3,2 ± 0,2 Ma pour des profondeurs comprises entre 172 et 3887 m. Les températures de fermeture de l’apatite (de 120°C à 80°C), prévues selon la dispersion des âges, sont calculées pour un taux de refroidissement d'1°C/Ma.

Une importante dénudation post-varisque dans les environs de KTB est bien corrélée par l’enregistrement sédimentaire de l’avant-pays occidental du massif Bohémien (Schröder et al., 1997) et est aussi documentée par le profil vertical des âges TFA du site KTB à partir d’une section crustale de 9 km de profondeur (Hejl et  Wagner, 1990 ; Wagner et al., 1994 ; Coyle et al., 1997).
Une variation régionale significative des âges TFA serait causée par différentes histoires de refroidissement. Au Sud de Weiden, seul des âges à plus de 120 Ma ont été mesurés, tandis que des âges clairement plus jeunes au Nord entre 110 et 49 Ma sont mesurés (Fig. 127). Cette variabilité  serait à mettre en relation avec la ligne franconienne qui était en activité pendant le Crétacé supérieur et au Paléogène (Fig. 128A-B).

La répartition régionale des âges TFA prouve également la dislocation de cette région (Fig. 128A) en plusieurs blocs structuraux secondaires (Fig. 128B). Cette dislocation régionale permet d’émettre l’hypothèse d’un soulèvement et d’une érosion différentielle qui seraient responsables du développement d'une topographie irrégulière. Cette instabilité tectonique peut être corrélée avec l'affaissement du graben de l’Eger (Hejl et al., 1997 ; Peterek et Schröder, 1997).

b. Thuringer Wald

Au niveau du massif cristallin le plus occidental du domaine bohémien, il existe des données TF sur zircon permettant de déterminer l’histoire thermique de cette région au Paléozoïque (Thomson et Zeh, 2000 ; Zeh et al., 2000a). Les données TF sur zircon soutiennent un refroidissement et une exhumation post-varisque rapide à 335 Ma et indiquent la présence d’une épaisse couverture sédimentaire stéphanien (molasse carbonifère) à 300 Ma. Des âges TF sur zircon semblables à ceux du segment central de la Thuringer Wald ont été obtenus dans l’Oberpfälzer Wald situé plus au sud-est, près du site de forage de KTB (Hejl et al., 1997).

Les profils thermiques de cette étude montrent une exhumation du soubassement échelonnée en deux phases. La première phase de soulèvement crétacé ne s’opère pas à la même période entre l’extrémité NW (complexe cristallin de Rhula) et l’extrémité SE (complexe cristallin de Suhl) de la région thuringienne. Au milieu du Crétacé inférieur (complexe cristallin de Suhl) et au début du Crétacé supérieur (complexe cristallin de Rhula), le socle est ramené depuis des températures supérieures à 100°C vers l’isotherme 60°C sur un laps de temps très court d'environ 5 Ma. En tenant compte d'un gradient géothermique actuel de 32°C/km, environ 1300 m de matériels ont recouvert le socle. Des accidents post-varisques de la Thuringer Wald montrent une réactivation mésozoïque complexe sous forme de faille normale définissant plusieurs blocs structuraux (Franzke et Rauche, 1991 ; Wunderlich et al., 1997). L'hypothèse d'un soulèvement différentiel de cette région peut expliquer la différence de la période d'exhumation au Crétacé observée sur les deux sites modélisés (Fig. 125) mais cela n'est pas contraint géologiquement. Une différence du taux d'érosion ou d'exhumation serait également une autre hypothèse à prendre en considération.

Les résultats TFA de cette étude, complétés par ceux disponibles dans la littérature, indiquent une rapide exhumation au Crétacé supérieur qui est corrélée avec l'inversion tectonique existant à cette période. Un tel refroidissement accéléré au Crétacé supérieur, lié à l'inversion tectonique, n'était pas un phénomène seulement limité à la Thuringer Wald. Le champ de contraintes de compression s’exerçant du Crétacé supérieur au Paléogène sur le socle de l’Europe centrale a causé l'inversion du bassin Nord germanique, en particulier sur les bordures méridionales (Baldschuhn et al., 1991 ; Gemmer et al., 2003). En effet, durant cette période, des régions du système de bassins de l’Europe centrale ont subi un soulèvement selon un axe NW-SE à WNW-ESE. En conséquence le soubassement paléozoïque est mis à l’érosion à la limite Sud du système de bassins de l’Europe centrale (Ziegler, 1990 ; Baldschuhn et al., 1991 ; Petmecky et al., 1999) depuis l’Allemagne centrale (Montagnes du Harz, Thuringer Wald) jusqu’aux Sudètes. Les bassins connexes comme par exemple le bassin crétacé sub-hercynien situé au front des montagnes du Harz ont accumulé jusqu'à 2500 m de sédiments silicoclastiques sur une période de temps de seulement 10 millions d'années (Turonien à Campanien ; Voigt et al., 2006) et démontrent l’existence d’une importante phase érosive du Harz.

Sur l’ensemble de la Thuringer Wald, les simulations thermiques indiquent  une dernière phase d’exhumation à Oligocène-Miocène. En considérant le gradient géothermique actuel de 32°C/km (Tab. 18), l’hypothèse d’une dénudation d’environ 2300 m cumulés depuis le Crétacé supérieur peut être envisagée.
Betz et al. (1987) et Ziegler et al. (1995) déterminent une phase de compression du bassin NE germanique s’amorçant vers la limite Eocène-Oligocène. Les déformations de la plate-forme européenne à la fin du Paléogène se traduisent par d’importants décrochements (Bergerat, 1987) responsables de l’isolement du bassin SW germanique entre trois zones de relief telles que la Forêt Noire, le massif bohémien incluant la Thuringer Wald et les Alpes. Ces différents épisodes tectoniques peuvent expliquer la dernière phase de diminution de la température à l’Oligocène-Miocène qui est observée sur les histoires thermiques.

Plusieurs auteurs ont effectué des datations TFA dans certaines régions au Sud du système de bassins de l’Europe centrale. Dans le Complexe Cristallin de Ruhla (RCC) à l’extrémité NW du massif thuringien, Thomson et Zeh (2000) déterminent sur douze échantillons des âges TFA, semblable à cette étude, compris entre 68,5±12,2 et 77,6±4,6 Ma indiquant un faible écart-type et une distribution homogène des valeurs d’âges. Les longueurs moyennes de traces confinées sont comprises entre 14,41±0,19 et 13,56±0,29 µm et des écart-types de 0,93 à 1,47 µm. Les longueurs de traces obtenues par ces auteurs sont plus importantes par rapport à celles issues de ce travail. Le protocole opératoire de l’attaque acide utilisé par Thomson et Zeh (2000) n’a pas été décrit. Les résultats TFA de Thomson et Zeh (2000) révèlent que les roches de l’extrémité Nord de la région thuringienne étaient à des températures supérieures à 100°C avant 85 Ma. Cela exige, soit un gradient géothermique anormalement important (60°C/km) pendant le Crétacé supérieur, soit que la région du RCC ait été à l'origine couverte jusqu'à 1400 m de roches sédimentaires  jurassiques et crétacées actuellement érodées. Les données de ces auteurs couvrent la partie NW de la région et montrent un âge de refroidissement similaire à notre travail mais ne mettent pas en évidence une exhumation étalée sur deux étapes.
Des âges voisins (73-84 Ma) issus de granitoïdes des montagnes du Harz ont été rapportés par Thomson et al. (1997). En prenant en compte un gradient géothermique moyen de 25-30°C/km, la modélisation thermique des données TFA suggère d’une surcharge d'environ 5 km de terrains recouvrant les montagnes du Harz depuis le Crétacé supérieur et au moins 2,5-3 km seraient remobilisés au Santonien/Campanien (Thomson et al., 1997 ; Thomson, 2001).
Les roches volcaniques du Carbonifère supérieur du complexe volcanique de Halle (Harz oriental - bassin NE germanique) rapportent une gamme beaucoup plus large des âges apparents compris entre 75 et 108 Ma. Le refroidissement final en dessous de 100°C n'a pas eu lieu avant le début du Crétacé supérieur (Jacobs et Breitkreuz, 2003). Des âges TFA également comparables (84-90 Ma) sont mesurés pour des gabbros de la partie nord-est de l’Erzgebirge (Ventura et Lister, 2003).

Les séries du Crétacé inférieur n’existent pas dans un rayon d’au moins de 150 km autour de la Thuringer Wald. L'occurrence la plus proche s’observe dans le bassin sub-hercynien au Nord des montagnes du Harz. Les roches sédimentaires du Crétacé supérieur (Cénomanien) déposées avant l'inversion sont connues seulement au pied de la Ligne Franconienne en Bavière (Schröder, 1987). L’absence aujourd'hui de telles roches sédimentaires à proximité de la Thuringer Wald peut indiquer un soulèvement à large échelle et une inversion régionale de la partie de NW du massif bohémien.

VI.9.5. Massif de la Šumava : bordure sud-ouest bohémienne

VI.9.5.1. Résultats

Les âges TFA du chaînon de la Šumava (Fig. 129) sont compris entre 162±9 et 222±13 Ma (8 échantillons : CZ15 à CZ24) et sont obtenus sur des granites varisques et sur des roches métamorphiques de type granulite et gneiss d’âge Précambrien. Les âges TFA de ce chaînon tendent vers des âges plus anciens sur son extrémité SE (188±8 à 222±13 Ma).
Les mesures des longueurs de traces confinées ont été effectuées sur 7 échantillons et couvrent une gamme de valeurs comprises entre 12,17±0,20 (CZ24) et 13,04±0,16 µm (CZ17) avec un écart-type de 1,6 à 2,3 µm respectivement. La courbe gaussienne des histogrammes de longueurs de traces de cette région est généralement large. Les moyennes de Dpar obtenus pour ces échantillons sont de 1,15 à 1,57 µm.

Dans cette partie du massif bohémien, les diagrammes de distribution des longueurs TFA (Fig. 129) ainsi que les diagrammes d’angle TFA (Fig. 118) mettent en évidence, pour quatre échantillons (CZ19, 20, 23, 24), deux populations de longueurs de traces indiquant deux événements thermiques distincts.

VI.9.5.2. Modélisations

Les profils thermiques du chaînon méridional bohémien (Fig. 130) montrent une rapide augmentation de la température culminant au Jurassique moyen (CZ24, CZ23, CZ20, CZ18, CZ17). Un épisode majeur de refroidissement ponctue l’histoire de cette région notamment au cours du Crétacé inférieur. Les températures de surfaces sont atteintes à l’apto-albien        (Fig. 130).

L’ajout de données (U-Th)/He (CZ23, CZ15 : Fig. 130)  permet de définir que le socle paléozoïque a séjourné autour de l’isotherme 50°C pendant le Crétacé supérieur. La simulation des échantillons CZ24, CZ18, montrent une tendance à une phase d’augmentation de la température en limite de résolution des TFA au Crétacé supérieur et soulignent une histoire commune avec les sites de CZ23 et CZ15. En effet, seuls les sites se trouvant sur le rebord du chaînon de la Šumava enregistrent cet évènement thermique.
Les simulations des échantillons CZ20, CZ17 (Fig. 130) situés dans les parties internes du chaînon ne détectent pas d’augmentation de température au Crétacé supérieur.

Avec l’utilisation des mêmes contraintes de modélisation par rapport aux autres échantillons de cette partie de région, CZ18 se distingue par la présence d’une phase de réchauffement en limite de résolution de la méthode TFA (60°C) avec un optimum atteint au début du Miocène. Les données (U-Th)/He obtenues sur CZ18 fournissent un âge voisin de celui obtenu par les TFA et n’ont pas permis de conforter cette hypothèse de réchauffement au Cénozoïque au niveau de la modélisation.

VI.9.5.3. Histoire thermique

Cette région constituant actuellement la plus haute chaîne méridionale de Bohême avant le relief alpin a été soumise vraisemblablement à l'érosion pendant le Trias. L’absence de roches sédimentaires de cette période dans toute la région l’atteste. Les reliques de dépôts d’âge triasique, au niveau de la Bavière, indiquent que des systèmes deltaïques alluviaux d’environnement marin peu profond et fluvio-lacustres se sont développés le long de la marge occidentale du massif bohémien (Schröder, 1987 ; Schröder et al., 1997). Le matériel détritique proviendrait du démantèlement d’anciens reliefs de la bordure Sud et SW de la Bohême. Au Trias, l’Europe occidentale est un domaine essentiellement continental (Suk, 1984 ; Dercourt et al., 1992), l’ouverture de la Téthys n’a pas encore atteint cette partie de l’Europe.

L’histoire thermique TFA montre un enfouissement sous d’épaisses séries sédimentaires au cours du Jurassique (Fig. 130) pouvant atteindre environ 2500 m en considérant un gradient géothermique actuel de 24°C/km (Fig. 108). Cet épisode sédimentaire est rattaché à la transgression téthysienne. A cette période, la Téthys ligurienne (ou océan alpin) est en pleine accrétion. La marge Sud européenne est affectée par une tectonique distensive généralisée.

La Šumava enregistre une exhumation rapide portant le socle à des températures de surface à partir de la fin du Jurassique. Schröder et al. (1997) associent cet évènement à une réactivation tectonique de la bordure SW bohémienne provoquant l'érosion de la couverture sédimentaire mésozoïque. Cet épisode d’inversion tectonique s’observe sur l’ensemble du chaînon de la Šumava avec une mise à l’affleurement du socle à la deuxième moitié du Crétacé inférieur. La majorité des profils du chaînon de la Šumava a franchi de manière synchrone l’isotherme 40-50°C à partir de la fin du Crétacé inférieur.

Une tendance à l’augmentation de la température au Crétacé supérieur en limite de résolution de la méthode des TFA est observée. L’ajout de contraintes (U-Th)/He permet de confirmer un épisode d’enfouissement sédimentaire modéré au Crétacé supérieur avec un optimum calé du Coniacien au Campanien. Cet enfouissement ne dépassant pas les 1200 m (avec un géotherme actuel de 24°C/km) est en concordance avec l’épisode de sédimentation du bassin Crétacé bohémien qui s’amorça dès le Cénomanien. Ce cas d’enfouissement s’observe sur l’ensemble des rebords de la Šumava laissant penser que les parties internes du chaînon constituaient un îlot émergé au Crétacé supérieur.
Il a été décrit dans le massif du Barrandien, d’après les produits d’érosion et la faune fossile piégée in situ dans des dépressions du karst bohémien (bordure SW du bassin Crétacé bohémien) (Bosak, 1985), que l’ensemble de ce karst était immergé et enfoui sous les dépôts du Crétacé supérieur du bassin bohémien et voire même plus loin vers le Sud (Zelenka, 1981). L’âge a pu être déterminé par la paléontologie et rapporté à la fin du Cénomanien (Bosak, 1985). Une expansion plus au Sud des masses d’eau d’Europe du Nord a eu comme conséquence l’établissement d’un système carbonaté hémipelagique (Fig. 85) dominant sur le flanc du sud-ouest du bassin Crétacé bohémien pendant le Turonien supérieur jusqu’au Coniacien inférieur (Laurin et Ulicny, 2004 ; Wiese et al., 2004).
La moitié Ouest de la Šumava se trouve dans le prolongement SW du Barrandien. Les profils thermiques utilisant les données (U-Th)/He confortent l’hypothèse d’un dépôt crétacé d’épaisseur modeste jusqu’à l’extrémité NW de la Šumava. Le domaine sédimentaire du bassin Crétacé bohémien a pu atteindre et recouvrir les bordures de la Šumava. Les grabens de Trébon/Ceské, à remplissage crétacé, sont des reliques attestant l’existence d’une vaste aire sédimentaire dépendant du bassin bohémien plus au Nord. En effet, au Cénomanien-Santonien, l’extension du bassin Crétacé bohémien constituait un bras de mer entre le bassin de la Mer du Nord (domaine boréal) et l’océan téthysien. Des mélanges d’éléments fauniques téthysiens et boréales sont retrouvés attestant que les deux provinces marines étaient en liaison à cette période (Wiese et al., 2004).

Le socle subit une phase d’exhumation à la limite crétacée-paléogène avant d’être mis à l’affleurement. Le Barrandien au Nord est soumis à une altération tropicale intense dès la limite crétacée-paléogène (Bosak, 1990). Tout comme les autres régions bordières de bohème, la Šumava est affectée par l’inversion tectonique du Crétacé supérieur associée aux  compressions sub-hercynienne et laramienne. Klein et Désiré-Marchand (1987) indiquent, selon des critères stratigraphiques peu documentés, que la Šumava se serait soulevée et basculée par le biais d’une ligne de faille, et que les affluents du Danube et le Danube lui-même se seraient encaissés au cours du Néogène, à cause de la tectogenèse néoalpine.

Le gradient géothermique moyen de cette partie du massif bohémien, compris entre 20 et 24°C/km (Fig. 108), fournit l’hypothèse d’une importante dénudation cumulée, atteignant environ les 3700 m d’épaisseur, engagée depuis la fin du Jurassique dont environ 1200 m au cours du Paléogène. Cette estimation est encore loin de celle évoquée par Dudek et al. (1991) qui atteindrait les 10 km d’épaisseur dans la région Sud moldanubienne comprenant la Šumava, la zone du Danube, ainsi que la Bavière. Cet auteur base son hypothèse sur la reconstitution de la profondeur de mise en place des plutons granitiques.

VI.9.6. Bayerischer Wald : zone de faille du Danube, bordure sud-ouest bohémienne

VI.9.6.1. Résultats

Les âges TFA ont été obtenus exclusivement sur des granites souvent porphyriques provenant d’une série de plutons varisques. Les âges TFA varient entre 74±4 et 185±9 Ma (9 échantillons : IB31 à IB40) et possèdent des valeurs plus anciennes (148±11 à 185±9 Ma) à l’extrémité NE de cette région ainsi qu’au Sud de la faille du Danube (Fig. 129).
Les mesures des longueurs de traces confinées ont été effectuées sur 8 échantillons et couvrent une gamme de valeurs comprises entre 9,68±0,20 (IB31) et 11,14±0,39 µm (IB36) avec un écart-type de 1,5 à 2,3 µm respectivement. Les valeurs moyennes de Dpar varient entre 0,94 et 1,21 µm.
Deux échantillons (IB31, 40) de cette région montrent deux populations de longueurs de traces distinguables à partir des diagrammes longueurs-angles des traces (Fig. 118) et correspondent à deux évènements thermiques.

VI.9.6.2. Modélisations

Cette zone de linéament du Danube, bordant le bassin molassique Nord alpin (Fig. 80), indique une histoire thermique possédant une phase Miocène nettement plus prononcée (Fig. 131) par rapport à celle du massif de la Šumava (Fig. 130) situé entre 20 et 50 km plus au Nord ou par rapport à l’Oberpfälzer Wald (Fig. 124).
Le socle paléozoïque de cette région subit une première grande phase de refroidissement  au Permien suivi par une période de réchauffement modéré au Trias inférieur où la roche demeure dans la zone partielle de rétention des traces jusqu’à la fin du Jurassique. Le socle atteint les températures de surface à partir du Crétacé inférieur avant de subir une nouvelle phase d’augmentation modérée de la température en limite de résolution au Crétacé supérieur et au Miocène inférieur dont l’optimum atteint environ 60°C. Une dernière phase rapide de refroidissement ramène la roche à la surface dès la limite miocène-pliocène.
Une géométrie similaire de profil thermique s’observe également au rebord sud-est de la zone de failles du Danube  au niveau d’un des plutons granitiques isolés (au Sud du lit actuel du Danube) qui émergent des dépôts néogènes du bassin molassique Nord alpin (IB40).

VI.9.6.3. Histoire thermique

La zonation des âges TFA délimite de manière nette (Fig. 97) une structure en horst dans la partie centrale de cette zone de faille. La présence d’un rejet structural entre la faille du Danube et la faille de Pfahl a existé au méso-cénozoïque.

Évènement jurassique
Les modèles thermiques très similaires entres eux (Fig. 131) montrent, après l’épisode de plate-forme épi-varisque, une augmentation de température dans la zone de rétention partielle des traces (autour de 80°C) pouvant être associée à un enfouissement par des dépôts sédimentaires du Trias supérieur à Jurassique en relation avec l’ouverture de la Téthys ligurienne. Les données de flux de chaleur de cette région (Fig. 108) indiquent un gradient géothermique actuel de 32°C/km. A partir de cette hypothèse, il est envisageable que les séries du Mésozoïque inférieur ont recouvert cette partie du massif sous environ 1200 à 1800 m d’épaisseur de dépôts.

Évènements crétacés
Un épisode de soulèvement est marqué par une diminution de la température au Crétacé inférieur correspondant à l’inversion de la région saxo-bohémienne lors des premières phases compressives du promontoire apulien (Schröder, 1987). Cette inversion est marquée par une mise à l’affleurement du socle autour de l’Aptien.

Les longueurs de traces, souvent  inférieures à 11 µm, sont parmi les plus courtes mesurées à l’échelle du massif bohémien et soutiennent l’hypothèse d’un temps de résidence prolongé de la roche dans la zone partielle de rétention (ou proche de sa limite supérieure) depuis le début du Mésozoïque jusqu’au Miocène supérieur.
En effet, les profils thermiques soulignent un second épisode d’augmentation de la température s’initiant au Crétacé supérieur. Les séquences sédimentaires marines du Crétacé supérieur au pied du bassin molassique autrichien comprennent des grès glauconieux (surtout Cénomanien et Turonien) ainsi que des marnes et argiles (surtout Coniacien à Campanien). L'épaisseur totale de ces dépôts marins du Crétacé supérieur atteint 1000 m (Malzer et al., 1993). En fonction du gradient géothermique actuel et à partir des données TFA, environ 500 à 1200 m de séries crétacées se seraient accumulées et reste du même ordre de grandeur aux épaisseurs de dépôts crétacés préservés sous les molasses alpines.

Evènement Oligocène-Miocène inférieur
Un dernier épisode d’enfouissement est enregistré et culmine à l’Oligocène-Miocène inférieur. La partie Sud du massif bohémien correspond à une zone subsidente. Cette subsidence est liée au bassin flexural en bordure du front de la chaîne alpine (Tyracek et Zeman, 1984). Cet épisode d’enfouissement peut correspondre à des dépôts associés au bassin molassique Nord alpin. La formation initiale rapide d’un espace d’accommodation d’avant-pays due à la surcharge de nappes structurales a été suggérée par Genser et al. (2007). La convergence continue, favorisant l’épaississement crustal, mène à un approvisionnement croissant de sédiments comblant le bassin molassique en fonction d’une subsidence croissante de ce dernier qui a été initiée depuis la fin de l’Eocène. Ces facteurs combinés seraient responsables du cycle de molasse marine - molasse d'eau douce entre 33 et 21 Ma (Kuhlemann et Kempf, 2002).

Le bassin molassique autrichien montre des changements latéraux importants avec une diminution de sa largeur d'environ 150 km (depuis le bassin molassique allemand) à moins de 10 km (à l’extrémité Est). La profondeur du bassin à sa marge Sud varie d'environ 3500 m (depuis l’extrémité Ouest) jusqu’à environ 500 m (à l’extrémité Est). Dans la même direction, l’âge des séries molassiques est de plus en plus jeune partant du Rupélien (Oligocène inf.) au Tortonien (Miocène sup.) (Malzer et al., 1993 ; Meulenkamp et al., 1996) et montre que le bassin est resté actif plus tardivement en direction de l’Est. Il est plus que probable que les dépôts néogènes du bassin molassique aient débordé plus au Nord sur les surfaces cristallines. Des témoins de cette phase de sédimentation sont encore préservés sur le socle du Bayerischer Wald (Fig. 132).

Les données thermochronologiques disponibles sur les Alpes orientales (Staufenberg, 1987 ; Hunziker et al., 1992 ; Axen et al., 1995 ; Hejl, 1997 ; Elias, 1998 ; Reinecker, 2000 ; Steenken et al., 2002), combinées avec des données thermochronologiques détritiques (Hejl et Wagner, 1989 ; Frisch et al., 2000a, b ; Spiegel et al., 2000, 2001, 2004), peuvent situer les phases d’érosion des unités thermotectoniques des Alpes orientales qui ont participé au remplissage de la fosse péri-alpine de Oligocène inférieur jusqu'à l’actuel. Dans les Alpes orientales, l’ensemble de ces données montrent, l'érosion progressive des terrains au Crétacé et l'accroissement des surfaces exposées à l’affleurement à l’Eocène et à l'Oligocène. Les changements extrêmement rapides de la source des terrains exposés ont affecté les Alpes orientales entre 20 et 13 Ma (Kuhlemann et al., 2006). La période entre 20 et 13 Ma inclut les changements géomorphologiques et thermiques les plus rapides de l'histoire récente des Alpes orientales.

La distribution des faciès sédimentaires dans le bassin molassique Nord alpin a été conduite par des processus tectoniques de l'orogenèse alpine. Une forte augmentation de la décharge sédimentaire due au soulèvement des Alpes aurait été la raison principale du cycle de molasse marine - molasse d'eau douce entre 33 et 21 Ma (Kuhlemann et Kempf, 2002).
Depuis la fin du Miocène, une distribution en forme d'hélice des directions de la compression s'est développée à la périphérie de l'arc alpin (Bergerat, 1987). La fermeture du bras de mer Burdigalien vers environ 17 Ma s'est produite pendant une phase de réorganisation tectonique. Entre 17 et 12 Ma, le bassin molassique Nord alpin a été constamment comblé au-dessus du niveau marin en dépit de la décharge fortement décroissante en sédiments (Kuhlemann et Kempf, 2002).

Exhumation Néogène
En fonction des simulations thermiques, une rapide phase d’exhumation à la fin du Miocène ramène le socle paléozoïque à l’affleurement où une dénudation d’environ 1000 à 1500 m de matériel est mise en évidence. Cette importante dénudation correspondrait au démantèlement d’une épaisse couverture molassique et ne serait pas incompatible avec l’enregistrement sédimentaire du bassin molassique où ce dernier possède une épaisseur actuelle d’environ 2500 m de dépôts néogènes, dont une épaisseur de 1000 m de Miocène inférieur surmontée d’une surface d’érosion.
L’érosion et le déblaiement d’une partie des dépôts molassiques peuvent être reliés par une importante et récente phase de soulèvement crustal au Pliocène (Bosak et al., 1989 ; Genser et al., 2007) mais également par le réseau hydrographique en constante évolution dans l’avant-pays alpin à cette période. Le Danube coulait en direction du Rhin jusqu’au Pliocène, puis son exutoire a basculé vers l’Est après la pulsation tectonique du Pliocène. Le soulèvement et la régression persistante dans le Miocène supérieur ont créé un important drainage fluvial avec un exutoire orienté vers l'Est du domaine molassique Nord alpin. Le paléo-Danube a accumulé un grand volume de matériel d’érosion sous forme d’un delta dans une dépression constituant le lac Pannonien au niveau du bassin de Vienne (Gyurits et Kurzweil, 1976).

Bien que les différentes régions des Alpes montrent une quantité d’érosion variable depuis 14 Ma, elles partagent une tendance commune dans l’augmentation du taux d'exhumation il y a environ 5 Ma (Vernon et al., 2008). La forte surrection des Alpes orientales et de leur bassin molassique d'avant-pays a commencé vers 4 Ma et serait associé à l’érosion de plus de 2 km de sédiments dans le bassin molassique oriental (Kuhlemann et Kempf, 2002). Cette érosion intense en relation avec une rapide exhumation a généré un rajeunissement du relief et la formation de terrasses récentes caractérisant le Pliocène supérieur et le Quaternaire moyen (Bosak et al., 1989). Il n’est pas exclu que le Danube et ses affluents aient participé à l'évacuation de la molasse alpine y compris la molasse qui recouvrait la retombée méridionale de la Šumava et du Bayerischer Wald.
Selon Klein (1990), le relief du Bayerischer Wald qui domine le piedmont danubien fait figure de bloc basculé. Son revers faiblement incliné vers le NE est ployé en une ample gouttière (gouttière du Pfahl) et doit son asymétrie au jeu d’une puissante flexure d’orientation WNW-ESE.

Des arguments de géomorphologies attestent la réalité de l’extension du bassin molassique sur le Bayerischer Wald. De nombreuses reliques sédimentaires de dépôts néogènes subsistent en discordance sur le socle paléozoïque (Fig. 132) et constituent un premier argument en accord avec cette hypothèse.
Le paysage de plaine, auquel appartient le cours du Danube depuis le bassin SW germanique, disparaît dans une zone de relief composée par des terrains cristallins de l’extrémité Sud de la zone de failles du Danube. Le Danube, sur ces terrains cristallins, est encaissé entre Passau et Linz dans une profonde vallée linéaire présentant environ 150 à 300 m de dénivelé depuis les rebords (Fig. 79 – profil 3). Le cours final du Danube résulte d'un enfoncement (Fig. 133A) sur place à partir d'un cours ancien dont le tracé n'était pas influencé par les structures (socle cristallin enfoui) mais dirigé par la pente générale du bassin versant. Cette disposition du cours du Danube indique sa surimposition sur le socle du Bayerischer Wald et illustre un soulèvement important et rapide au Néogène du bassin molassique et du socle bohémien sous-jacent.
A partir d’un modèle MNT des régions du Danube (SRTM3 Europe centrale, Nasa), un remplissage minimum d’environ 1000 m d’épaisseur depuis les dépôt-centres du bassin molassique est nécessaire pour recouvrir les reliefs varisques situés en bordure Sud bohémienne (Fig. 133B) et qui constitueraient un obstacle pour le lit du Danube. Dans le cas d’un obstacle lié à un relief, le cours du Danube ne serait pas encaissé dans des terrains cristallins.

 

VI.9.7. Waldviertel : bordure Sud bohémienne 

VI.9.7.1. Résultats

Les âges TFA ont été obtenus exclusivement sur des granites d’âges Carbonifère à Dévonien provenant d’une série de plutons varisques du grand pluton Sud bohémien (Fig. 134). Les âges TFA sont compris entre 80±6 et 114±6 Ma (4 échantillons : IB41, 42, 46, 47).
Les longueurs de traces moyennes, mesurées sur deux échantillons, couvrent une gamme de valeurs comprises entre 9,29±0,32 (IB47) et 12,18±0,54 µm (IB41) avec des écart-types variant de 1,4 à 2,2 µm. Les moyennes de Dpar obtenues pour cette série d’échantillons sont de 0,96 à 1,08 µm.

VI.9.7.2. Modélisations

Les données TFA de ce secteur (Fig. 135) indiquent une histoire thermique très similaire avec celle de la région du Danube située plus à l’Ouest et notamment avec l’histoire thermique des plutons isolés bordant le bassin molassique Nord alpin (IB40). Les températures du socle paléozoïque au Jurassique atteignent environ 80°C. L’optimum d’enfouissement au Miocène est également observable.

VI.9.7.3. Histoire thermique

La région de Waldviertel a été soumise à l'érosion pendant le Trias comme l’atteste l’absence de dépôt sédimentaire de cette période. Le cycle mésozoïque téthysien a laissé des témoins sédimentaires plus à l’Est en Moravie dont des dépôts jurassiques terrigènes, marneux à carbonatés selon la paléotopographie. Le maximum de la transgression du Jurassique supérieur a recouvert la région actuelle du bassin molassique Nord alpin (Malzer et al., 1993) ainsi que la marge occidentale du massif bohémien (Schröder et al., 1997). Du Dogger jusqu’au Malm, plusieurs centaines de mètres d'un calcaire marin de faciès peu profond ont été déposés dans ces régions. L'épaisseur maximale de toute la séquence transgressive excède 500 m au pied du Waldviertel et même 2000 m en direction du front alpin actuel. La sédimentation a continué jusqu’à la fin du Jurassique en Moravie (Adàmek, 2005).
L’extension régionale de la mer du Jurassique supérieur sur le domaine sud-est bohémien ainsi que les épaisseurs sédimentaires correspondantes ne sont pas connues. Les données TFA apportent une réponse à cette lacune et montre l’existence d’un enfouissement sous des séries jurassiques de toute la bordure méridionale de la Bohême incluant les actuels reliefs de la Šumava, Bayerischer Wald et du Waldviertel. Ces trois régions montrent une histoire thermique commune au Jurassique. En effet, la simulation thermique de la bordure sud-orientale du domaine bohémien met en évidence une phase d’enfouissement (Fig. 135) pouvant atteindre environ 1800 m durant la période Jurassique en tenant compte d’un gradient géothermique régional actuel de 24°C/km (Fig. 108). Ce contexte transgressif est compatible avec les enregistrements sédimentaires préservés dans les régions plus méridionales et orientales. La transgression jurassique aurait par conséquent atteint une extension plus nordique jusqu’aux limites Sud des régions internes au massif (Barrandien, complexe plutonique).

Pendant le Crétacé inférieur, une phase d’exhumation ressort de la modélisation thermique (Fig. 135). Les régions plus à l’Est confirment cette hypothèse. À cette période, la plate-forme moravienne était surélevée et les dépôts antérieurs ont été localement érodées et seulement de rares dépôts aptiens à albiens sont retrouvés (Krystek et Samuel, 1978 ; Řehánek, 1984).

Une seconde phase d’enfouissement, enregistrée au Crétacé supérieur (Fig. 135), serait reliée à la grande transgression du Crétacé supérieur. La mer a recouvert à cette période les régions de la Moravie et l’ensemble des régions du bassin molassique Nord alpin actuel (Ziegler, 1990). L'amplitude maximale de la transgression a été atteinte dans la deuxième moitié du Crétacé supérieur comme le témoigne l'accumulation significative de sédiments dans certains secteurs, par exemple, dans les bassins sédimentaires crétacés-néogènes du Trébon et de Ceske Budejovice. Ces bassins sont de bons témoins de cet évènement transgressif dans cette partie méridionale du massif. Ils contiennent des dépôts préservés d’âge Santonien atteignant 450 m d'épaisseur. Il n’est pas exclu que la transgression crétacée ait pu atteindre la Bohême centrale en recouvrant l’ensemble du pluton Sud bohémien. En effet, le Bayerischer Wald et le Waldviertel possèdent une histoire thermique post-crétacée commune indiquant une large transgression sur les contreforts bohémiens. L’hypothèse d’une connexion entre le domaine téthysien et boréal via le bassin Crétacé bohémien est également compatible au niveau de la bordure SE bohémienne. Les séries sédimentaires marines du Crétacé supérieur au fond du bassin molassique autrichien atteignent 1000 m d’épaisseur (Malzer et al., 1993). Les données traces de fission font ressortir une épaisseur d’enfouissement très similaire évoquée par la modélisation, en considérant le gradient géothermique régional actuel.

L'affaissement du bassin molassique Nord alpin a augmenté pendant l'Oligocène, favorisant une transgression marine sur la marge actuelle sud orientale du massif. L’optimum d’enfouissement au Miocène inférieur est également observable et atteint des températures autour de 60°C. Le bassin molassique Nord alpin borde le Sud du Waldviertel et sépare le domaine bohémien du domaine alpin sur seulement 10 km. Compte tenu de la grande proximité du front alpin et des effets de surcharge lithosphérique décrit par Genser et al. (2007), il n’est pas irréaliste de penser que la superficie du bassin molassique dans cette région était davantage étalée plus au Nord sur le socle bohémien. La subsidence du bassin flexural au front de la chaîne alpine et le dépôt marin miocène depuis les Carpathes jusqu’au Sud du massif bohémien sont décrits par Tyracek et Zeman (1984). Bosak (1985) propose que les parties Est et sud-est du massif bohémien au Miocène moyen sont soumises à un épisode subsident permettant un ennoiement de ses marges ainsi que la création d’un système de rias pénétrant profondément dans les terres. La profondeur de la mer pouvait être importante selon l’encaissement des rias et de l’ancienne topographie. Dans notre étude, les données du Waldviertel, combinées aux histoires thermiques et aux témoins géomorphologiques du Bayerischer Wald, indiquent que l’ensemble de l’extrême bordure Sud bohémienne a été affecté par l’extension du bassin molassique Nord alpin au Miocène inférieur.

   Une étude a été menée sur le Waldviertel selon un axe E-W par Hejl et al. (2004). Cette étude régionale décrit des âges variant de 92±14 à 233±23 Ma. En négligeant quelques variations locales, les âges montrent une diminution depuis la bordure occidentale Sud du pluton jusqu’à la région moravienne située plus à l’Est. Les histogrammes de longueur de traces de fission montrent des distributions moyennes comprises entre 12,3 et 13,4 µm et des écart-types entre 1,5 et 2,0 µm. Les âges TFA de notre étude correspondent au même ordre de grandeur tandis que les longueurs de traces apparaissent plus courtes que celles déterminées par Hejl et al. (2003).  Les chemins thermiques obtenus par ces auteurs sont en accord avec l'hypothèse d’une exhumation régionale pendant le Crétacé inférieur. L’épaisseur du réenfouissement au Crétacé supérieur pourrait avoir atteint 1000 m. La dénudation cénozoïque était de l'ordre de 1000 à 3000 m d’après ces auteurs. Cette estimation correspond assez bien à celle déduite de notre étude. Néanmoins, nos données indiquent un autre ré-enfouissement plus tardif s’initiant dès l’Eocène. Ces différences seraient en rapport avec la mesure de longueur de traces beaucoup plus courte par rapport à ces auteurs. En raison de la faible épaisseur des roches sédimentaires Miocène conservées dans le Waldviertel, Hejl et al. (2004) considèrent que le réchauffement contemporain du soubassement est négligeable au regard des traces de fission sur apatite.

En tenant compte du gradient géothermique actuel, les parcours thermiques de notre étude permettent d’envisager une rapide phase d’exhumation sur une épaisseur d’environ 1700 m entre la fin du Miocène et l’actuel.
Le pluton Sud bohémien possède deux zones de relief (Fig. 79). Le Waldviertel à la moitié Sud constitue un relief plus important par rapport à la moitié Nord qui apparaît en dépression. Cette zone de relief plus prononcée pourrait être associée au dernier évènement tectonique des Alpes au mio-pliocène et serait contemporaine aux reliefs de la zone de failles du Danube. Le Waldviertel est tectoniquement actif de nos jours comme le témoigne les cartes sismotectoniques ACORN (Catalogue of earthquakes, ZAMG 2004).
A partir du Miocène supérieur, le massif bohémien a subi une surrection qui est encore active actuellement (Tyracek et Zeman, 1984; Ziegler, 1994). La phase d’exhumation mio-pliocène s’observe sur l’ensemble de la bordure méridionale du domaine bohémien (Fig. 124 ; Fig. 131 ; Fig. 135). Cette exhumation est particulièrement marquée dans les régions occidentales et méridionales du massif où environ 1000 à 1700 m de matériels ont été érodés. Différents facteurs sont responsables de ce soulèvement généralisé : (1) la réactivation de la bordure Ouest et SW bohémienne a été rattachée au développement volcano-tectonique de la zone de l'Eger (Schröder et al., 1997) ; (2) une compression selon l’axe NE-SW au Miocène inférieur a eu pour effet de réactiver la faille de Pfahl le long de la bordure SW bohémienne en tant que faille inverse ; (3) un fort soulèvement du bassin molassique Nord alpin a commencé entre environ 6 et 4-3 Ma (Kuhlemann et Kempf, 2002).

 

VI.10. Géométrie du réseau de drainage bohémien

La forme du réseau de drainage (captures de drainage) apporte des arguments supplémentaires sur les réorganisations géologiques récentes issues de la néotectonique alpine, ou bien au contraire sur la permanence de certaines masses topographiques. La néotectonique alpine a segmenté le domaine bohémien en trois grandes zones de drainages (Fig. 136) : le Danube, l’Elbe et l’Oder. Dans son contexte régional, le massif bohémien montre l'étroitesse du réseau de drainage de sa bordure Sud par rapport aux bassins versants NW et NE bohémiens (l’Elbe et l’Oder). L’installation d’un réseau hydrographique bohémien similaire à l’actuel s’est mise en place depuis le Pliocène. L’évacuation du matériel d’érosion du domaine bohémien depuis cette époque est réparti sur trois exutoires (Fig. 136) : (1) en direction du bassin pannonien et du bassin de la Mer Noire pour le Danube ; (2) en direction de la Mer du Nord pour l’Elbe ; et (3) en direction de la Mer Baltique pour l’Oder.

Le Danube contrôle l’érosion sur l’ensemble du bassin molassique Nord alpin et du bassin molassique de Moravie mais également l’Oberpfälzer Wald, le Bayerischer Wald, le versant Sud de la Šumava et le pluton Sud bohémien. Le drainage de l’Elbe, apparaît plus important que celui du Danube en terme de superficie sur le domaine bohémien et annexe l’ensemble de toutes les régions centrales du massif et notamment le bassin Crétacé bohémien. Son drainage touche également les régions occidentales dont le la Thuringer Wald, l’ensemble de l’Erzgebirge, le Fichtelgebirge, les versants Nord de la Šumava et les versants Sud des Sudètes. Le drainage de l’Oder affecte uniquement les versants Nord des Sudètes.

L’organisation du réseau de drainage du domaine bohémien montre une relation nette avec la disposition des grands linéaments tectoniques (Fig. 136). Les grands accidents tectoniques séparent distinctement les bassins versants, elles s’accordent avec les limites de bassins-versants ainsi que les reliefs. Par cette observation, la réactivation des accidents varisques par la tectogénèse alpine joue un rôle majeur dans la répartition moderne du système de drainage. Le réseau hydrographique a acquis sa forme actuelle depuis le Miocène supérieur au regard des données paléoenvironnementale et géomorphologique (Kuhlemann et Kempf, 2002 ; Kuhlemann, 2007).

 

VI.11. Essai d’interprétation sur la structure rigide centre bohémienne

L’épaisseur de croûte plus épaisse, le gradient géothermique très faible, les âges TFA anciens au centre du massif et la disposition losangique des grands accidents tectoniques périphériques montrent la présence d’une hétérogénéité lithosphérique où le noyau le plus rigide se situe au centre du massif bohémien (Téplà-Barrandien, complexe plutonique centre bohémien). Une telle constatation a également été déterminée par les travaux de simulation analogique de Rajlich (1994). Ses résultats expérimentaux les plus proches de la structure réelle du massif ont confirmé que le cisaillement superposé peut conduire à la réactivation complète de la structure interne du massif. La structure losangique autour du massif ainsi que sa déformation confirment la tectonique décrochante et l’inversion du sens de cisaillement.
Les régions périphériques, qui sont moins résistantes à la déformation (en lien avec une plus faible épaisseur de croûte et les grands réseaux de fractures), forment une succession de horsts losangiques très probablement en lien avec cette hétérogénéité.

Les modèles de densité produits à partir des anomalies gravimétriques de Bouguer sur un profil NW-SE indiquent la présence de blocs de différentes densités (Fig. 137B). Le centre du massif bohémien est caractérisé par un large noyau avec une densité atteignant 2,99 à 3,33 g/cm3 dès 20 km de profondeur. Les régions périphériques présentent des densités inférieures (2,95 à 3,31) et moins homogènes. Sur un profil de profondeur, les discontinuités de densité sont plus nombreuses par rapport au centre bohémien. Les données sismiques le long d’un profil de profondeur (Fig. 137A) montrent une différenciation de la croûte inférieure pour les différentes parties du massif et se superposent avec le modèle de densité (Fig. 137B). Les bordures du massif montrent une croûte inférieure stratifiée, soulignée par des contrastes de vitesse des ondes sismiques p. La différentiation de la croûte s’accorde avec l’hypothèse d’un cœur de massif plus rigide par rapport à ses bordures fortement fracturées.

La dépression topographique centre bohémienne peut s’expliquer par la résistance à la déformation mais également par l’effet de densité. Le noyau centre bohémien est plus lourd par rapport à ses bordures. De ce fait, il est possible de considérer que la densité des unités structurales peut jouer un rôle dans les mouvements verticaux. La structure interne d’un massif possédant un comportement résistant pendant la propagation d’un front de déformation est appelée promontoire (Cobbold et al., 1993). Ce dernier est caractérisé par une faible déformation pendant la collision. Une chaîne de montagne se trouve déviée ou interrompue par ces structures rigides. L’hypothèse de la discontinuité du prisme montagneux entre les Alpes orientales et les Carpathes peut être citée.

Les grands accidents périphériques du massif (Fig. 81) sont hérités de l’orogenèse varisque, et il est également possible que l’hétérogénéité lithosphérique ait déjà existé avant la mise en place du cycle varisque. L’orogenèse varisque dans le domaine bohémien a affecté vraisemblablement la croûte archéenne (Rajlich, 1994). Au cours de l’orogène varisque, Shulmann et al. (2009) décrivent cette région centrale sous forme d’un altiplano constituant déjà un massif médian et démontrant un comportement résistant pendant la propagation du front de collision. Ce cas de structures rigides est souvent présent dans la lithosphère. Norman (1984) décrit des exemples similaires en Sibérie orientale, ainsi qu’en Mongolie.

 

VI.12. Epaisseurs d’érosion

La reconstitution de l’épaisseur des tranches d'érosion est déterminée à partir des profils thermiques simulés et en considérant une gamme de gradients géothermiques régionaux (Fig. 108). Les paléotempératures de surfaces moyennes sont considérées entre ~20 à 25°C compte tenu du climat sub-tropical humide en Europe régnant au Crétacé (Suk et al., 1984) et au Paléogène-Néogène inférieur (macroflores tertiaires : Collinson, 1983 ; Kvaček, 2006 ; Kvaček et Teodoridis, 2007). Les épaisseurs des tranches érodées, classées par région, sont présentées au Tableau 18.

Sur le domaine bohémien au Mésozoïque, il est fort probable que le flux de chaleur ait été assez proche du  flux actuel, en dehors des régions de l’Erzgebirge ainsi que du bassin Crétacé bohémien qui ont été soumis à du volcanisme local au Cénozoïque.

Des cartes interprétatives de dénudation régionale (Fig. 138 à Fig. 140) sont représentées selon deux grandes périodes de temps caractérisées par plusieurs épisodes d’érosion reconnus à l’échelle de la marge européenne. D’importantes tranches d’érosion ont été nécessaires pour  amener le socle des massifs paléozoïques à l’interface sol-atmosphère.
Les valeurs du taux d’exhumation figurant sur les cartes ci-dessous sont déterminées à partir du gradient géothermique régional actuel (Fig. 108 ; Tab. 18) dans l’hypothèse d’un gradient stable depuis le début du Mésozoïque. Néanmoins, certaines régions (Erzgebirge, Eger, Sudètes occidentales) sont soumises à des variations du flux thermique en relation aux évènements volcaniques du Cénozoïque. Si l’on considère une gamme de gradient entre 20 et 30°C/km, une marge d’erreur de 40% sur l’estimation du taux d’exhumation doit être prise en compte.

A l’échelle du domaine bohémien, du Crétacé jusqu’à la fin du Néogène, la quantité de matériel érodé de même que le taux d’exhumation n’est pas homogène. Ces derniers peuvent être extrêmement variable d’une région à une autre (Fig. 138 à Fig. 140) et illustre un compartimentage du massif tel que les données thermochronologiques l’ont démontré plus en amont.

Au cours de l’épisode d’inversion tectonique du Crétacé terminal, les résultats des simulations thermiques ont permis de déterminer des tranches d’érosion (Fig. 139) extrêmement importantes et rapides (environ 4000 m sur 10 à 20 Ma) localisées sur l’ensemble de la bordure Nord bohémienne. Ces mêmes régions présentent les taux d’exhumations les plus rapides (Fig. 138) du domaine bohémien.
Les régions Ouest ainsi que les bordures SW et Sud sont caractérisées à la même période par une dénudation plus faible variant essentiellement entre 1000 et 2500 m (Fig. 139). La bordure Sud du bassin Crétacé bohémien et le massif de la Šumava montre également une tranche d’érosion pouvant atteindre de 800 à 1500 m. Le cœur du domaine bohémien se distingue des autres régions par sa stabilité et une absence d’érosion significative exceptée sur les limites Sud du bassin Crétacé bohémien.

Durant le Néogène supérieur, les zones d’exhumation couvrent une grande partie du massif bohémien (Fig. 140). L’ensemble des régions bordières de l’Ouest et Sud bohémiens sont soumises à une érosion pouvant atteindre environ 1000 à 1400 m et localement de 1500 à 1700 m dans les Sudètes occidentales, le Bayerischer Wald et dans le Waldviertel. Les massifs des Sudètes orientales, le graben de l’Eger, le massif de la Šumava ainsi que les régions centres bohémiennes ne montrent pas d’épisode d’érosion significative. A la fin du Néogène, les aires érodées ont une position beaucoup plus rapprochée du front alpin et se concentrent principalement dans les régions méridionales et SW du domaine bohémien. Les taux d’exhumation les plus importants s’observent le long de la Ligne Franconienne et le long de la faille du Danube.

Dans l’évolution du relief en Bohême, les régions occidentales et méridionales (Erzgebirge, Thuringer Wald, Oberpfälzer Wald, zone de failles du Danube, Waldviertel) sont restées tectoniquement actives et ont favorisé l’érosion de leur socle en plusieurs étapes entre le Crétacé et la fin du Néogène. Les régions centrales ainsi que les bordures Nord bohémiennes affichent une absence d’érosion significative (< à 500 m d’épaisseur) et souligne la relative stabilité de différents blocs structuraux malgré l’orogenèse alpine voisine.

 

VI.13. Conclusion

Les âges thermochronologiques du socle varisque bohémien à l’affleurement s'étendent de 60±3 à 324±15 Ma pour la méthode TF et de 63±13 à 341±16 Ma pour la méthode (U-Th)/He sur apatite. Il n'y a aucune corrélation systématique entre ces âges TFA et les altitudes. Les longueurs de traces, comprises entre 9,12±0,54 et 14,06±0,13 µm, indiquent des histoires thermiques régionalisées.
La distribution géographique des âges est en relation avec les grands accidents tectoniques et les limites de blocs structuraux. Les âges TF et (U-Th)/He sont systématiquement plus jeunes sur les bordures du massif. Les régions centrales sont caractérisées par une lithosphère possédant une épaisseur, une densité et une rigidité plus importantes que les régions périphériques et peuvent expliquer la disposition losangique des failles majeures, mais également le jeu tectonique en blocs structuraux ainsi que la distribution concentrique des âges thermochronologiques. Les déformations mésozoïques et cénozoïques ont affecté seulement les bordures alors que les régions centrales du massif bohémien (Téplà-Barrandien, complexe plutonique centre bohémien) sont restées relativement stables depuis la fin du Paléozoïque.

Toutes les données TFA disponibles sur le domaine bohémien illustrent quatre groupes d’âge : [50-90] Ma, [90-200] Ma, [210-230] Ma et [240-340] Ma, avec l'implication de trois événements d'exhumation au maximum post-triasique.
- la catégorie d'âge comprise entre 50 et 90 Ma se concentre principalement sur les bordures occidentales, septentrionales et méridionales du massif ;
- le groupe de 90-200 Ma couvre de manière plus localisé les régions NW, SE, NE et centre bohémienne ;
- le groupe de 210-230 Ma se concentre sur le rebord oriental de la faille des Krusné Hory, le rebord Nord de la Šumava et les régions centre-bohémiennes ;
- et le groupe 240-340 Ma concerne uniquement les régions centre-bohémiennes telles que le Téplà-Barrandien.

Le système TFA a enregistré l'histoire thermique post-varisque du massif bohémien et démontre la réactivation d'une mosaïque de blocs structuraux séparés par des systèmes de failles (d’âge paléozoïque à cénozoïque) qui auraient été enfouis à des profondeurs variables (4000 à 1000 m) par des dépôts sédimentaires depuis les périodes du Jurassique jusqu’au début du Néogène.

Le domaine bohémien a été affecté par de nombreux épisodes tectoniques post-varisques relatifs à l’ouverture de la Téthys ligurienne, au rifting de la mer du Nord et à la formation des Alpes. Les données TFA met en évidence un signal mésozoïque et cénozoïque indicateur d’une géodynamique active durant les périodes post-varisques. Les histoires thermiques de chaque région du massif soulignent, de manière commune, les grands évènements post-varisques (Fig. 141A) observables à l’échelle de la géodynamiques globale (Fig. 141B) :

  1. La transgression jurassique, en relation avec l’ouverture téthysienne, observable sur l’ensemble du pourtour bohémien par le biais des structures en blocs basculés ;
  2. L’inversion du Crétacé inférieur attestée par les kartifications et les gisements d’altérites (par exemple, Lippert et al., 1969 ; Störr, 1983 ; Migon et Lidmar-Bergström, 2001 ; Migon et Lidmar-Bergström,  2002). Cet évènement est contemporain du début de la fermeture de l’Océan ligure (110 Ma) et au rift de la mer du Nord où ce dernier est responsable de la formation du bassin crétacé bohémien par le système de failles de l’Elbe (Bergerat, 1987 ; Ziegler, 1990) ;
  3. La transgression au Crétacé supérieur, visible sur les bordures méridionales et SW. De manière locale, les régions occidentales et septentrionales soulignent une émersion. Un affaissement de grande longueur d’onde de la croûte (Malkovsky et al., 1984) peut expliquer la subsidence sur une grande partie du massif ;
  4. L’inversion au Crétacé terminal, détectable sur l’ensemble du domaine bohémien, correspond aux premières phases de compression au niveau des Alpes centrales et des Carpathes, induisant la réactivation des structures héritées ;
  5. L’extension du bassin molassique nord-alpin sur les bordures bohémiennes méridionales, en relation avec une forte augmentation de l’apport sédimentaire lié à l’érosions des Alpes et une subsidence accrue du bassin molassique (Genser et al., 2007). Cette interprétation est attestée par les longueurs de traces confinées à l’échelle du massif, qui montrent un gradient très net entre la bordure SW et la bordure NE du massif ;
  6. L’érosion néogène, liée aux déformations néoalpines, a affecté uniquement la bordure méridionale et occidentale, tandis que les bordures septentrionales restent stables à cette période. Cette relative stabilité des bordures septentrionales indique que les contraintes alpines ne se sont pas propagées sur cette partie du massif.

Les histoires thermiques soulignent des épisodes d’exhumation du soubassement bohémien plus récents en direction du  front alpin et enregistre les phases tectoniques néo-alpines néogènes montrant un rôle significatif de la chaîne alpine dans l’évolution du relief bohémien dans sa partie méridionale et occidentale.

L’ensemble des résultats TFA montre que la segmentation en blocs structuraux, qui est un héritage de la structuration varisque, commande l'histoire du soulèvement des différentes parties du domaine bohémien pendant les périodes meso-cénozoïques. Un régime de soulèvement différentiel caractérise le socle bohémien, auquel pourrait être attribué le contrôle des accidents varisques régionaux. La déformation du socle bohémien est caractérisée par une déformation méso-cénozoïque cassante qui perdure au Néogène dans les parties les plus proches du front alpin.

Fig. 141 : (A) Synthèse comparative entre les histoires thermiques régionales du domaine bohémien depuis la fin du Jurassique. Cinq grands évènements thermiques s’observent, dont certains sont diachrones suivant les régions. Les courbes noires représentent les meilleurs chemins thermiques. Les colonnes vertes correspondent aux contraintes de terrain de nature stratigraphique ou géomorphologique (discordance, surface d’érosion). Les colonnes rouges correspondent aux contraintes imposées (d’après les indices de transgression) pour obtenir des résultats de simulations (tests statistiques) de bonne qualité en accord avec le contexte géologique local. La synthèse des grands évènements géodynamiques téthysien et de l’Europe centrale est représentée en (B).