Merci de me citer pour toute utilisation de texte ou figure (Bour, I., 2010. Thèse de Doctorat, Université Paris-Sud, Orsay)

III. Méthodes d’interprétation des données

III.1. Dispersion des âges TF : Représentation d’un âge TF et test d’homogénéité

Dans la procédure de datation par la méthode du détecteur externe, un minimum d’une vingtaine de cristaux est daté individuellement pour chaque échantillon. Il est indispensable de faire une statistique afin de déterminer l’âge moyen. Dans ce travail, l’âge central a été choisi et représente l’âge de référence d’un échantillon (Galbraith et Laslett, 1993). La méthode renseigne le paramètre de dispersion (erreur relative) qui permet de reconnaître si tous les âges appartiennent ou non à une même population. Ce paramètre de dispersion est exprimé en pourcentage. Il faut considérer qu’il existe plusieurs populations d’âges dans un échantillon lorsque le paramètre de dispersion est >30 % et une population unique lorsqu’il est <15 %.

La représentation graphique des âges individuels peut être faite sous différentes formes (type isochrone, polaire). La représentation sous forme de diagramme radial ou polaire (Galbraith, 1988 et 1989) est fréquemment utilisée, car elle permet une excellente visualisation des données (Fig. 35). Dans ce type de représentation, chaque point représente un cristal daté. L’âge de chaque grain est directement donné avec son incertitude par un seul point. Le graphique permet ainsi de présenter la distribution de l’âge apparent de chaque grain individuel autour d’un âge de référence, mais prend également en considération la précision de l’âge apparent par rapport à l’ensemble de la population. L’erreur sur chaque âge individuel est calculée selon la loi de Poisson où s = (1/Ns + 1/Ni + 1/Nd)1/2. t avec Ns étant le nombre de traces fossiles, Ni le nombre de traces induites dans le n ième grains et Nd correspondant au nombre de traces comptées dans le verre moniteur.

Dans le diagramme radial, l’axe des ordonnées de droite est en log t (Ma), celle de gauche est comprise sur une échelle de +2/-2 et représente la précision à plus ou moins 2s de la valeur de l’âge de référence. L’axe des abscisses est en 1/s où s est la précision relative (Ma) sur l'âge d’un cristal. Dans ce type de représentation, un âge précis sera plutôt situé à droite tandis qu’un âge moins ou peu précis se trouvera sur la partie gauche du diagramme.

Les diagrammes radiaux ont été effectués en utilisant le programme de Dunkl (2006) et de Vermeesh (2008) où ce dernier prend en compte les valeurs de Dpar. Les diagrammes radiaux de tous les échantillons de ce travail sont inventoriés en Annexe 4.

Un autre moyen de tester l'homogénéité des âges TF dans la datation avec la méthode du détecteur externe est le test du Khi-deux χ² (Galbraith, 1981 ; Green, 1981). Ce test indique si les âges des N grains datés individuellement se réfèrent à un même événement, c'est-à-dire leur concordance entre eux dans la limite de leur précision statistique. Le nombre de traces fossiles et induites est compté dans chaque grain puis comparé avec le nombre attendu pour une distribution suivant une loi de Poisson dont la moyenne est celle des N grains comptés. Le χ² se calcule pour un degré de liberté ν=n-1 où n correspond au nombre de grains datés. Dans le cas d’un échantillon où l'erreur standard de l'âge central est <15 % (Galbraith et Laslett, 1993) et où le P(χ²) est >5 % (Galbraith, 1981 ; Green, 1981), la présence d’une seule population d'âges parmi les n grains datés doit être considérée. Pour une erreur standard supérieure à 30 % avec une valeur de P(χ²) <5 %, au moins deux populations d'âges sont mises en évidence traduisant plusieurs sources des cristaux d’apatite constituant l’échantillon. Néanmoins, ce test ne permet pas de déterminer le nombre de population d’âges au sein d’un échantillon.

III.2. Modélisation inverse des profils temps-température avec les données TFA

L’interprétation des données TF nécessite l’utilisation d’une routine numérique basée sur un modèle d’effacement des traces. En intégrant au sein d’un algorithme les valeurs des âges traces de fission individuelles et les mesures des longueurs de traces confinées, il est possible de reconstituer une histoire thermique continue d’un échantillon dans la gamme de température comprise entre 60-110±10°C.
Cette reconstitution est réalisée grâce à l’utilisation d’un modèle quantitatif d’effacement thermique des traces permettant de prédire l’âge TF ainsi que la distribution des longueurs de trace caractérisant un chemin temps-température donné. La mise au point d’un tel modèle est fondée sur des expériences de cicatrisations des traces en laboratoire. Ce modèle de cicatrisation est issu initialement de l’étude de l’effacement des traces de Laslett et al. (1987) qui permet de prédire l'âge et la distribution des longueurs de traces confinées résultant d'une histoire thermique donnée.

Plusieurs algorithmes de modélisation sont disponibles (Laslett et al., 1987 ; Crowley et al., 1993 ; Gallagher, 1995 ; Issler, 1996a ; Corrigan, 1991 ; Ketcham, 1999, 2005). Un modèle, très utilisé ces dernières années, permet de prendre en compte le Dpar (facteur chimique). Les modélisations thermiques dans ce travail ont été réalisées à l’aide des logiciels AFTSolve et HeFty (Ketcham et al., 2000, Ketcham, 2005) en utilisant le modèle de cicatrisation de Ketcham et al. (1999). Ils présentent l’avantage par rapport aux autres algorithmes, plus anciens, de prendre en compte les paramètres cinétiques de chaque grain daté ainsi que les mesures de longueurs de traces qui ont également été effectuées sur chaque grain. L’application des contraintes dans ces algorithmes est également un avantage indispensable pour la prise en compte du contexte géologique dans les simulations.

AFTSolve et HeFty utilisent la technique statistique de Monte Carlo et possèdent le même principe de calcul que l’algorithme Monte Trax (Gallagher, 1995). En utilisant l’histogramme de distribution des LTF et des âges TF, ces logiciels permettent, par inversion des données, de calculer un chemin temps-température (t-T) préférentiel entre l’âge de dépôt ou de cristallisation de l’échantillon et l’actuel (Fig. 36A). L’algorithme compare les données âges/longueurs calculées pour un certain parcours théorique temps-température avec les données mesurées. Cette simulation est un calcul statistique où pour chaque échantillon, il est effectué 10.000 tirages par la méthode Monte Carlo. Plusieurs profils t-T en compatibilité statistique avec les données mesurées (âge moyen, longueur moyenne et distribution des longueurs de traces, ainsi que d’autres données thermochronologiques) sont déterminés par l’algorithme avec des enveloppes de confiance 1σ et 2σ (Fig. 36A). 1σ constitue le meilleur intervalle de confiance et contient tous les chemins thermiques plausibles que la roche a pu suivre au cours de son histoire géologique.

La qualité de la simulation est déterminée par la comparaison des données simulées et des données mesurées via un test de Kolmogorov-Smirnov (K-S). Le paramètre statistique du goodness of fit (GOF) renseigne si le modèle t-T est en accord avec les données mesurées (GOF=1) ou non (GOF=0). La qualité de la simulation par rapport aux données mesurées dépend de ces paramètres et doit se rapprocher de 1 (Fig. 36B) tout en tenant compte du contexte géologique.

Les contraintes appliquées au modèle sont définies à partir des données géologiques de terrain (inventaire des séries stratigraphiques des bassins environnants, repérage des discordances, niveaux d’altération, chronologie des événements tectoniques…). Sous AFTSolve, les contraintes correspondent à un intervalle de températures pour une période de temps fixe (barre de contrainte). L’innovation sous HeFty permet de fixer des contraintes dites en « boîte », ajustables selon un intervalle de températures et également selon un intervalle de temps (boîte de contraintes : Fig. 36). L’algorithme teste ainsi un plus grand nombre de scénarii de chemin thermique.

Les échantillons d’un même domaine sont traités avec les mêmes contraintes pour pouvoir ensuite en tirer des comparaisons cohérentes.


Test d’ajustement de Kolmogorov-Smirnov: compare la distribution observée d'un échantillon statistique à une distribution théorique (Chakravarti et al., 1967).

 

Les contraintes réelles (boîtes vertes : Fig. 37A, B) proviennent d’arguments solides de terrain (discordances socle/sédiments, altérites : échantillon en surface à un temps t). Dans certains cas, l’utilisation seule des contraintes de terrain n’est toutefois pas suffisante pour obtenir une histoire thermique statistiquement valide (Fig. 37B) et l’ajout d’une (ou plusieurs) contrainte(s) imposée(s) est nécessaire (Fig. 37A). Cette contrainte imposée correspond à une hypothèse géologique telle que le dépôt sédimentaire existant dans les régions voisines mais qui est actuellement érodé sur le site modélisé. L’estimation de l’épaisseur de dépôt est fournie par le modèle. La contrainte imposée est donc un résultat du modèle.

A partir des données TF, les parcours testés par le modèle fournissent des prédictions (âge apparent, distribution de longueurs de traces confinées) se rapprochant au maximum des données expérimentales. Ces parcours fournissent une approximation de l'histoire thermique réelle de l'échantillon traité. La limite du modèle de la simulation est rapidement atteinte dans le cas d'histoires thermiques complexes, comprenant des récurrences d'incursions thermiques. En pratique, dans un processus de refroidissement, la simulation est limitée à la datation de deux incursions thermiques (<120°C environ), à la condition toutefois que la seconde phase d’incursion thermique soit de plus basse température que la première.

III.3. Modélisation inverse des profils temps-température avec les données (U-Th)/He

HeFty a été employé pour la modélisation des données (U-Th)/He. Le principe de modélisation est basé sur le profil de diffusion de l’hélium où l’âge (U-Th)/He mesuré est comparé avec l’âge calculé par les tests statistiques GOF. Les paramètres de calibration du modèle sont ceux de Farley (2000) (apatite de Durango).
HeFty ne tient pas compte des problèmes de diffusion de l’He dans l’apatite (Flowers et al., 2007 ; Shuster et al ., 2006 ; Gautheron et al., 2009). A partir des données récentes sur la sensibilité thermique de la diffusion de l’He dans l’apatite, Gautheron et al. (2009) ont proposé d’analyser l’effet des dommages induits par le recul d’atomes fils pendant l'émission des particules α (dommages α de recul) sur la modification des propriétés de diffusion dans le temps.
Pour évaluer cette hypothèse, il a été développé un modèle Monte Carlo quantitatif (Gautheron et Tassan-Got, 2010) comprenant un traitement explicite des dommages de recul α, de recuit et de leur effet sur la cinétique de diffusion. Le modèle est basé sur deux hypothèses : (1) l'hélium est en équilibre entre un cristal d'apatite et ses défauts et (2) le principe de recuit des dommages de recul α peut être décrit de manière similaire par rapport au recuit des TFA.
C’est un modèle direct de production, éjection et diffusion de l’He dont les coefficients de diffusion sont dépendants de la concentration U-Th (eU), de l'histoire thermique, mais pas de la cinétique standard de diffusion. Le modèle fonctionne avec une géométrie de cristaux réaliste.
Le chemin temps-température issu de la simulation des données traces de fission est intégré dans le modèle qui tient compte, en plus de la géométrie du cristal (FT), de la production des défauts, de leur répartition ainsi que de leur cicatrisation. Par ce procédé, il est possible d’apporter une correction de la géométrie du chemin temps-température produit par les seules données traces de fission afin que l’âge (U-Th)/He modélisé correspond au mieux à l’âge (U-Th)/He mesuré.

Le modèle (Gautheron et Tassan-Got, 2010), testé dans cette étude (Annexe 5), met en avant les implications suivantes :