V- Massif de l’Ardenne et du Brabant
V.1. Description du contexte géologique des sites d’étude
L’Ardenne et le Brabant sont situés en Belgique et bordent au nord-est le bassin de Paris (Fig. 48). Le massif ardennais culmine à 694 m et est constitué de terrains paléozoïques qui ont enregistré les dernières phases de l’orogenèse varisque. Il se prolonge vers l’Allemagne par le Massif schiteux rhénan constitué de terrains identiques.
La limite qui sépare le socle brabançon de l’Ardenne correspond grosso-modo au front septentrional de la déformation varisque. Ce domaine ardennais appartient donc à la zone externe nord varisque ou rhéno-hercynienne.
L’Ardenne est caractérisée par d’importantes piles de sédiments pelito-arénitiques éodévoniens qui recouvrent en discordance un socle cambro-ordovicien qui affleure dans plusieurs boutonnières isolées à relief modeste communément appelées massifs de Stavelot, de Serpont, de Givonne et de Rocroi. Les sédiments continentaux apparaissent en faible proportion et les intrusions magmatiques sont relativement rares (Fig. 48). Plus au Nord, le socle paléozoïque apparaît à l'affleurement uniquement dans les vallées qui entaillent la bordure méridionale du massif du Brabant (vallées de la Senne, de la Dyle,...) et dans la bande du Condroz, d’âge Silurien.
Ces massifs correspondent à un ensemble de structures plissées et faillées de forme arquée dont le trait majeur est une zone chevauchante d'échelle crustale à vergence NNW (le chevauchement basal ardennais ou faille du Midi).
VI.1.1. Caractéristiques structurales
Les anomalies de Bouguer (Mansy et al., 1999)montrent que les structures du Brabant et de l’Ardenne présentent une large extension sous les dépôts méso-cénozoïques du bassin de Paris. Basés sur les variations gravimétriques de la Figure 49, plusieurs domaines structuraux sont reconnaissables : le noyau du massif du Brabant (sans gradient gravimétrique), le bassin houiller séparant distinctement le Brabant et l’Ardenne, le Boulonnais constituant l’extension occidentale des structures ardennaises, le front varisque et finalement l'allochtone ardennais au Sud.
Les anomalies négatives de Bouguer permettent de repérer les zones géographiques caractérisées par un soubassement de densité relativement faible. Ceci est interprété par l’existence d'une croûte épaissie ou par des bassins sédimentaires épais.
Les études géophysiques de cette région menées sur des profils méridiens au travers du front varisque démontrent l'existence de trois principales unités structurales, avec du Sud vers le Nord : l'Allochtone ardennais, les écailles du Parautochtone et le Parautochtone brabançon (Mansy et al., 1997 ; Lacquement et al., 1999 ; Mansy et al., 2003). L'Allochtone ardennais repose par l'intermédiaire de la faille du Midi (Briart et Cornet, 1863 ; Gosselet, 1879, 1888 ; Raoult et Meilliez, 1986) sur les écailles du Parautochtone, correspondant à des lambeaux de poussée accompagnant le chevauchement majeur (Fig. 50). La structure d'ensemble de l'Allochtone ardennais est celle d'un synclinorium de dimension plurikilométrique présentant à l’affleurement des formations paléozoïques (Fig. 48) grossièrement organisées en bandes SW-NE. Elle constitue une nappe de charriage (chevauchement frontal varisque) caractérisant l’allochtone ardennais (Fig. 50). Ce charriage complexe, induit par l'orogenèse varisque, est matérialisé par la faille du Midi à l’Ouest ainsi que la Faille Eifelienne à l’Est.
Sur une échelle régionale, le parautochtone du brabançon rassemble d’Ouest en Est, le massif du Brabant, le Synclinorium de Namur, le Synclinal de Liège et le massif de Herve; tandis que l'allochtone ardennais regroupe, du nord-ouest au sud-est, le Synclinorium de Dinant, la Nappe de la Vesdre, l'Anticlinorium de l'Ardenne, le Synclinorium de Neufchâteau et l'Anticlinal de Givonne (Fig. 48 et Fig. 51).
V.1.2. Unités structurales
L'enchaînement des périodes de sédimentation et des phases de déformation a configuré le domaine brabançon et ardennais en un certain nombre d'unités structurales majeures grossièrement orientées selon l’axe nord-est et sud-ouest (Raoult et Meilliez, 1987). Il est possible de différencier plusieurs grandes unités (Fig. 51) :
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Le massif du Brabant est une ancienne unité calédonienne qui est actuellement enfouie sous une couverture mézo-cénozoïque. Le domaine est majoritairement composé de dépôts cénozoïques recouvrant en discordance une large surface de métasédiments paléozoïques à cœur Cambrien (Fig. 51). Cette surface paléozoïque constitue le socle cambro-silurien du massif et présente une structure grossièrement anticlinale segmentée par de nombreuses failles de direction N60-120. L’ensemble de ces terrains a été affecté par les cycles calédonien et varisque. L’observation de ce socle n’est possible qu’au fond de quelques vallées (Sennette, Dyle-Thyle, Orneau, Mehaigne) qui entaillent la bordure méridionale du massif du Brabant (vallées de la Senne, de la Dyle,...). Quelques bandes de terrains crétacés bordent le massif du Brabant (Fig. 51). Sa bordure Sud s’enfonce sous le matériel Dévonien du Synclinorium de Namur. Le socle cristallin du Brabant est allongé selon un axe NW-SE jusqu’à la province londonienne et sert d’assise profonde au massif ardennais. Le bloc du Brabant est caractérisé par une racine crustale supérieure à 35 km d’épaisseur (Fig. 52).
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Le Synclinorium de Namur (également appelé la bande Sambre et Meuse) correspond à une unité de structuration complexe généralement de géométrie synclinale. Son allure générale est asymétrique et déversée vers le Nord. Le flanc Sud est segmenté par des séries de failles satellites de la Faille du Midi (Fig. 50 et Fig. 51). Son axe central est jalonné par les bassins houillers reposant sur un ensemble de terrains d’âges Dinantien et Dévonien. Plus à l’Ouest, le Synclinorium de Namur est masqué sous des formations méso-cénozoïques (Fig. 51).
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La Bande du Condroz est positionnée parallèlement à la faille du Midi (Fig. 51). Elle est constituée de terrains ordoviciens sur une largeur qui n'excède pas 2 km. Cette fine unité est découpée par un complexe de failles qui permet de réunir la Faille du Midi (Hainaut à l’Ouest) et la Faille Eifelienne (région de Liège à l’Est) en un même système d’accidents avec une orientation moyenne N60. Ce système d’accidents tectoniques est à l’origine du charriage du Condroz provoquant la translation vers le Nord du Synclinorium de Dinant et de l'Ardenne. L'unité charriée constitue l'allochtone ardennais.
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Le Synclinorium de Dinant est une unité structurale constituée d'une succession de plis à plans plus ou moins alignés sur la trace en surface de la Faille du Midi (Fig. 51). Ce plissement tend à délimiter des domaines anticlinaux constitués de sédiments arénacés du Famennien et des cœurs synclinaux carbonatés du Carbonifère (dinantiens voire exceptionnellement namuriens). Cette structure est bien reconnaissable dans le paysage et se distingue au niveau de la topographie. Le Synclinorium de Dinant est limité au Sud par les formations du Dévonien inférieur du plateau de l'Ardenne.
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L'Anticlinorium de l'Ardenne apparaît dans le paysage sous la forme d’un large plateau (plateau de l’Ardenne ou haute Ardenne) exposant des terrains du Dévonien inférieur discordants sur les unités du Paléozoïque inférieur (Fig. 51). Les massifs cambro-ordoviciens de Rocroi et du Serpont jalonnent la zone axiale du plateau. Plus à l’Est, ces deux massifs se prolongent après un changement important de direction au niveau du Massif de Stavelot. Ce dernier massif, également d’âge cambro-ordovicien, est structuré par deux anticlinaux majeurs plissés et fracturés. Le graben de Malmédy à remplissage permien sépare les deux unités.
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Le Synclinorium de Neufchâteau-Eifel constitue une structure secondaire du plateau de l’Ardenne. Seules des formations du Dévonien inférieur sont à l’affleurement (Fig. 51).
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Les massifs de Givonne, de Rocroi et de Stavelot sont caractérisés par une structure anticlinale qui est composée principalement de formation cambrienne (Fig. 50 et Fig. 51). Le Cambrien est représenté en Ardenne méridionale par plus de 2 km de phyllades, de quartzites et de quartzophyllades en couches concordantes sans lacune apparente.
V.1.3. Enregistrements sédimentaires méso-cénozoïques des massifs brabançon et ardennais
Il existe actuellement une couverture méso-cénozoïque dominée par les dépôts paléogènes sur une vaste superficie du massif du Brabant et sous forme de reliques isolées sur le massif ardennais.
Trias-Jurassique
Les témoins sédimentaires du début du Mésozoïques sont présents uniquement à l’extrême bordure Sud de l’Ardenne dont la Lorraine belge. Cette région est caractérisée par ses formations triasiques et jurassiques en cuesta affleurant à la bordure du Sud du plateau de l’Ardenne (Fig. 53). Les principales cuestas sont constituées par des terrains d’âge Sinémurien (Grès de Luxembourg : cuesta du Sinémurien) et d’âge Bajocien (Calcaire de Longwy : cuesta du Bajocien). Ces terrains sont une dépendance orientale du bassin de Paris (Boulvain et al., 2001).
Crétacé supérieur
Le Crétacé subsiste majoritairement au Nord de la faille du Midi sous forme de reliques préservées dans les dépressions topographiques générées à la faveur d’accidents tectoniques. En effet, seuls quelques bassins isolés sur la bordure septentrionale de l’Ardenne (dont le bassin de Mons, d’Hesbaye, le Tournaisis et le Pays de Herve) permettent d’avoir accès au contexte sédimentologique local (Fig. 53 et Fig. 54B). Ces bassins sont des aires subsidentes comblées par des séries sédimentaires méso-cénozoïques déterminant une synforme allongée selon une direction E-W. Ils constituent les seules « fenêtres » renseignant sur le passé sédimentaire post-jurassique de la bordure Nord de l’Ardenne. Le Crétacé supérieur atteint localement environ 300 m dans le bassin de Mons (Marlière, 1977). Les régions situées en position plus interne au massif ardennais sont uniquement dominées par des lithologies de type schiste, shale et grès paléozoïques.
Les faciès crayeux ont été piégés principalement dans le bassin de Mons (Fig. 54A-B). Le Coniacien, le Santonien et le Campanien renferment diverses variétés de craies blanches et grises (Craie de Maisières glauconifère, Craie de Saint-Vaast, Craie de Trivières, Craie d'Obourg, Craie de Nouvelles). Leur distinction repose sur leur faciès et leur contenu paléontologique. Les séries crétacées les plus complètes s’observent au niveau du bassin de Mons (Fig. 54B). Les dépôts méso-cénozoïques préservés du bassin atteignent en moyenne 220 m d’épaisseur dont environ 100 à 150 m de série du Crétacé supérieur.
La particularité du bassin de Mons est sa forte subsidence initiée depuis le Crétacé inférieur à la faveur d’une tectonique subsidente en pull-apart liée au fonctionnement de la zone de cisaillement Nord Artois (Dupuis et Vandyke, 1989 ; Vandycke, 2002). La subsidence karstique du bassin est relayée par une tectonique synsédimentaire faisant rejouer un réseau de failles anciennes dépendant des évolutions du champ de contrainte de la marge européenne. Le régime marin franc qui s'installe du Coniacien au Maastrichtien se caractérise par une sédimentation crayeuse organogène.
Dès l’Albien, les transgressions marines originaires du Bassin de Paris atteignent la région de Mons. Au Nord de Liège, dans le pays de Herve et en Hesbaye, la transgression est plus tardive et pénètre par le Nord en provenance des provinces du nord-est (mer boréale) où seules les séries d’âge Campanien à Maastrichtien sont représentées (Demoulin, 1995). La jonction entre les mers épicontinentales du Bassin de Mons et d’Hesbaye s'est probablement opérée au Santonien (Ziegler, 1982).
Des résidus d’altération de dépôts crétacés subsistent sur les actuels sommets des Hautes-Fagnes (Nord-Est Ardenne) et soulignent la présence d'une mer campanienne et maastrichtienne dans ce secteur. Les phyllites des Hautes-Fagnes, d’âge Cambrien moyen et supérieur, sont recouvertes de sédiments campaniens décalcifiés (Bless et Felder, 1989). L'épaisseur de l'altérite ne dépasse pas cinq mètres. La couverture altérée d'âge Campanien inférieur est constituée d’argile à silex résultant probablement de la dissolution d'une calcarénite. Ailleurs en Hautes-Fagnes, un sondage recoupe les phyllites kaolinisées de la région (Nyobewe, 1982) qui sont localement recouvertes par la craie maastrichtienne (Pissart, 1974).
Fig. 55 : Synthèse stratigraphique des bassins de la bordure nord-ouest des Ardennes (d’après la carte géologique de Wallonie 1/25.000 : feuilles 29, 37, 38, 39, 42, 44).
La synthèse stratigraphique à l’échelle de la bordure Nord domaine ardennais, en dehors du bassin de Mons et d’Hesbaye, montre une épaisseur actuelle du Crétacé relativement modeste où cette dernière est comprise entre 5 et 70 m (Fig. 55).
La transition Crétacé-Paléogène est marquée par une régression importante au cours de laquelle les craies ont été largement érodées, excepté en Hesbaye et dans le Bassin de Mons. Cette phase érosive et le remaniement ultérieur par les mers cénozoïques ont concentré les silex contenus dans la craie, donnant naissance à des conglomérats à silex résiduels notamment dans le Pays de Herve et les Hautes Fagnes (Bless et Felder, 1989). Le pôle de subsidence du bassin de Paris s’est déplacé vers l’Ouest et n’a pas favorisé de dépôt cénozoïques aux abords de la bordure Sud ardennaise (Demoulin, 1995).
Le sommet des séries du Crétacé supérieur est caractérisé par une surface d’érosion qui se retrouve dans différentes régions du massif. Une surface d’érosion se retrouve également en sommet des séries crétacées et qui apparaît plus marquée en direction de l’Est (Fig. 55). Dans la région de l’Herve à l’extrême Est de l’Ardenne, la surface crétacée forme un relief karstique où les dépressions peuvent être comblées par des dépôts détritiques oligocènes pouvant atteindre 10 m d’épaisseur.
Cénozoïque
L’enregistrement sédimentaire d’âge Cénozoïque est préservé sur les bordures Nord ardennaises et notamment sur l’ensemble du massif du Brabant et en Campine (Fig. 53). Dans le bassin de Mons, le Tertiaire comprend une séquence crayeuse à sa base, qui repose en discordance sur le Crétacé supérieur. Dès le Thanétien (fin Paléocène), la sédimentation terrigène devient prépondérante et n'est plus interrompue que par quelques épisodes carbonatés.
Périodiquement, au cours du Tertiaire, plusieurs transgressions atteignent certaines régions de l'Ardenne en déposant des sédiments principalement au Nord du sillon Sambre et Meuse (Vandycke, 2002). Dans le Condroz, des sédiments d’âge Eocène à Oligocène épargnés par l'érosion, ont été piégés dans des poches de dissolution karstique des calcaires carbonifères. Au cours de l'Oligocène, la mer envahit de nouveau à plusieurs reprises le domaine Nord ardennais avec une sédimentation terrigène devient devenant prépondérante et n'est interrompue que par quelques épisodes carbonatés. Ultérieurement, une partie des sédiments déposés seront érodés à partir du Miocène. Les variations d'épaisseur et des faciès sédimentaires témoignent d'une influence continentale croissante vers l'est et/ou le sud.
Des conditions de plate-forme instable prévalent dans la région du Massif du Brabant. D’après la synthèse de Demoulin (1995), le massif ardennais opère, depuis la fin de l’Oligocène, un soulèvement de l'ordre de 500 m tandis que le niveau eustatique aurait enregistré une descente de l'ordre de 175 m. Ce soulèvement correspond à un bombement WSW-ENE. Des processus d’altération attestent de ce soulèvement. A partir de l'Oligocène, le réseau hydrographique actuel s'installe sur l'Ardenne (Grimberieux et al., 1995b).
V.1.4.Phases d’émersion et d’altération
La mise à l’affleurement de l’Ardenne est attestée par la présence d’altérations kaoliniques. Leurs périodes de formation restent assez peu documentées même si quelques auteurs ont émis des hypothèses de datation. Sur la base du contexte géologique, Dupuis et al. (1988, 1997), Dupuis (1992) et Yans, 2003, par exemple, regroupent une partie des paléoaltérations de Belgique dans une période comprise entre le Jurassique supérieur et le Crétacé inférieur, sans exclure d'autres périodes éventuelles.
Un inventaire des traces de saprolites et de nouvelles datations radiométriques concluent à quatre périodes de saprolitisation (Yans et al., 2001 ; Quesnel et al., 2003 ; Yans, 2003 ; Thiry et al., 2006) : au Permien supérieur / Trias, au Crétacé inférieur, durant l'intervalle Paléocène / Eocène et au Miocène inférieur (Fig. 56). Ces périodes s'intègrent dans le canevas des altérations kaoliniques observées à l'échelle de l'Europe de l'Ouest (Fig. 47). Elles sont caractérisées par des phases de soulèvements crustaux.
Les périodes de saprolitisation du profil de Transinne, en Ardenne central (Fig. 51), sont datées par plusieurs méthodes (stratigraphie géométrique, géomorphologie, pétrographie, radiométrie Pb-Pb sur minéraux uranifères, radiométrie K-Ar sur hollandite sensu lato, radiométrie Ar-Ar sur cryptomélane). Au moins deux périodes de saprolitisation ont affecté la Haute-Lesse : l'une au Crétacé inférieur, l'autre au Miocène inférieur (Yans, 2003 : Tab. 5). Néanmoins, dés le Permien supérieur-Trias, une mobilisation de l'uranium associée à un phénomène d'altération est également reconnue (Tab. 5).
Sur de nombreuses localités de l’Ardenne (Fig. 56), les roches du Paléozoïque inférieur présentent des phases d’altérations d’âge triasique selon les secteurs et pouvant être continu jusqu’au Crétacé inférieur (Synclinorium de Namur, Condroz, Hautes-Fagnes, massif de Rocroi), sans toutefois être contraintes de façon précise. La période du Permien supérieur-Trias est caractérisée par un bas niveau marin général mais peu d'informations précises sont disponibles en ce qui concerne le contexte géodynamique, faute de sédiments suffisamment datés et/ou conservés.
La régression tardi-jurassique implique l'installation de lacs et de marais alimentés par des cours d'eau qui drainaient le massif du Brabant. Les séries de base du bassin Mons sont composées par des dépôts grossiers à faciès wealdiens (Barrémien, Albien). Les faciès wealdiens de ce bassin sont actuellement considérés comme des sédiments continentaux lacustres et alluviaux, avec néanmoins une certaine influence marine (Yans et al., 2007), déposés dans des complexes deltaïques durant une période comprise entre le Jurassique supérieur et le Crétacé inférieur, voire le Turonien (Gulinck, 1974 ; Robaszynski, 1975a ; Robaszynski et al., 2001).
A la même époque, une intense karstification affecte les calcaires dinantiens du bord Nord du Synclinorium de Namur dans le Hainaut. Le réseau karstique renferme des sédiments fluviatiles, dont des galets originaires du Massif du Brabant.
Dans le contexte géodynamique européen, la période d’émersion infracrétacée n’est pas isolée régionalement et correspond à l’ouverture du système de paléo-rifts de la mer du Nord, de la Hollande ainsi que de l’Allemagne-Pologne ayant induit le soulèvement du Brabant, de l’Ardenne et du Nord de la France (Quesnel et al., 2002b). Les massifs brabançon et ardennais sont à l’abri des invasions marines pendant toute la première partie du Crétacé.
Le Condroz et le Synclinorium de Namur (Fig. 51) sont des régions parsemées de dépressions karstiques développées sur un substratum calcaire et sous une couverture sédimentaire perméable d'où leur nom de cryptokarst. La remontée du bâti varisque s'accompagne d'une reprise d'érosion alimentant un réseau fluviatile naissant (Van Vliet-Lanoë et al., 2002). Le même constat est décrit au niveau du plateau ardennais (gisement de kaolin) et au Sud du bassin de Mons (cryptokarst géant) où les altérites sont datés à la limite jurassique-crétacée et au Crétacé inférieur sur les bordures Ouest de l’Ardenne (Quesnel, 2003) et témoignent d'une mise à affleurement.
Au NE de Charleroi (Fig. 51), un dépôt de barytine, piégé dans une cavité karstique développée dans les calcaires viséens, a sensiblement le même âge. Ce dépôt résulte de l'altération en climat chaud et humide de minerais primaires sulfurés durant le Crétacé (Dejonghe, 1998 ; Dejonghe et Boni, 2005).
En Haute-Lesse (sud-ouest Ardenne : Fig. 51), des paléoaltérations ont été datées par K-Ar sur hollandites et indiquent des âges du Crétacé inférieur (126±10 et 135±8 Ma : Yans, 2003 ; Fig. 56 ; Tab. 5). Des altérations kaolinitiques montrent pour cette période de temps que le soubassement ardennais était à l’affleurement : Yans, 2003 ; Fig. 56).
Le Sud du Brabant montre une altération kaolinitique qui proviendrait de l'altération du soubassement paléozoïque. La saprolite est conservée à la faveur de dépression tectonique.
Des épigénies ferrifères interviennent au Valanginien et au Barrémien en liaison avec des arrivées d’eaux météoritiques. Le site de la Borne de Fer, situé au NNE du bassin de Paris, est constitué d'une cuirasse ferrugineuse reposant sur de la saprolite formée sur du Bajocien inférieur (Quesnel, 2003). Une étude paléomagnétique démontre que la saprolite est d'âge crétacé inférieur (Théveniaut et al., 2007 ; Quesnel et al., 2003).
Des datations sur cryptomélanes (Condroz, Haute-Lesse, Transinne) remplissant des cavités karstiques indiquent des âges 40Ar/39Ar de 21 Ma (Yans, 2003 ; Fig. 56 ; Tab. 5) et attestent une phase d’exhumation et de mise à l’affleurement au Miocène. Hautmann et Lippolt (2000) ont analysé des échantillons de cryptomélanes issus du massif schisteux Rhénan. Dans cette région, le cryptomélane est daté entre 18,6 ± 0,2 Ma et 20,8 ± 0,4 Ma avec la méthode 40Ar/39Ar. Ces âges sont similaires à ceux du cryptomélane de la Haute-Lesse (Transinne : Yans, 2003 ; Tab. 5). La kaolinite dans la partie orientale de l’Ardenne (Nord de l’Eifel) résulterait d'une altération ayant affecté le socle à partir du Crétacé ainsi qu’au Pliocène (Zenses, 1980).
V.1.5. Bassins limitrophes des massifs ardennais et brabançon
Deux grands bassins sédimentaires méso-cénozoïques bordent le domaine paléozoïque de l’Ardenne et du Brabant.
L’Ardenne et le Brabant sont bordés au SW par le bassin de Paris. Ce bassin constitue l’un des grands bassins d’affaissement intracratonique d’Europe occidentale. Sa forme générale ovoïde avec une direction approximativement de N140 est conditionnée par les phases orogéniques pyrénéenne et alpine. Les terrains y sont disposés en auréoles concentriques (Fig. 57), les séries sédimentaires les plus jeunes étant conservées dans les parties centrales du bassin. Le dépôt-centre du bassin accumule, depuis le Trias jusqu’au Quaternaire, un enregistrement sédimentaire atteignant environ les 2600 m d’épaisseur.
Les dépôts jurassiques représentent plus de 700 à 1800 m d’épaisseur (notamment au centre-est du bassin : Fig. 58) et s’organisent principalement suivant un axe ENE-WSW contrôlé par la faille de Metz (Curnelle et Dubois, 1986). Une épaisseur atteignant environ 700 m de séries crétacées, dont plus de 500 m de Crétacé supérieur est actuellement préservée sous une couverture cénozoïque (Guillocheau et al., 2000 : Fig. 58). Environ 100 m de dépôts constituent l’enregistrement cénozoïque du bassin (Fig. 58)
Au Nord du domaine ardennais et brabançon, le socle primaire est recouvert par les sédiments mésozoïques et cénozoïques appartenant au système de graben des Pays-Bas et constitue un ensemble de bassins de 250 km de long s'étendant selon une direction NW-SE : ce sont les bassins Ouest et centre néerlandais (BWN) (Fig. 59). Le système de rifts composant les bassin néerlandais se compose d'une mosaïque de blocs en grabens et en horst inclinés du Nord vers l’Est séparés par des failles antithétiques normales et conjuguées d’axe NW-SE.
Ces bassins et le système de graben de la vallée de la Röer constituent les domaines de bassins les plus proches de l’Ardenne. Dans les dépôts-centres, près de 2100 à 4700 m de dépôts mésozoïques se sont accumulés. Des études de profils sismiques permettent d’identifier les niveaux stratigraphique dont l’épaisseur, variable selon les zones de dépôts-centres contrôlées par les accidents tectoniques, est comprise entre 1000 et 2200 pour tout le Jurassique ; environ 1100 à 2500 m de séries crétacées (Fig. 58) dont 500 à 1000 m pour le Crétacé supérieur. L'épaisseur maximale du Tertiaire et du Quaternaire silicoclastique atteint de 500 à 1000 m dans les graben néerlandais et jusqu'à 2000 m le long de la vallée de la Röer et le long du bassin du Bas-Rhin (Quitzow et Vahlensieck, 1955 ; Ziegler, 1990 ; Vinken, 1991 ; Lokhorst, 1998 ; Fig.12-3).
Le système de graben néerlandais (Fig. 59) recoupe transversalement le bouclier rhénan qui comporte le massif rhénan ainsi que les Vosges et la Forêt Noire. Le Graben du Haut-Rhin bifurque depuis la marge Sud du massif rhénan vers le bassin du Bas-Rhin et vers la vallée du Graben de la Röer ainsi que dans la dépression de la Hesse (Fig. 59), formant une jonction triple (Ziegler, 1994).
V.1.6. Faciès de bordure orientale du bassin de Paris
L’extension actuelle de la partie orientale du bassin de Paris borde les massifs ardennais (Fig. 57 et Fig. 60) et vosgien. Les formations mésozoïques de la Lorraine belge sont une dépendance nord-orientale du bassin de Paris. Les séries de Champagne-Ardenne (Fig. 60) et la Lorraine belge notamment constituent l’extension Jurassique encore visible la plus orientale sur le domaine ardennais. Les formations mésozoïques de la Lorraine belge appartiennent à l'entité géologique du "Golfe du Luxembourg" qui constitue une jonction entre le Bassin de Paris et le Bassin germanique (Boulvain et al., 2001). La nature et la géométrie complexe des corps sédimentaires indiquent, en effet, une aire littorale à sédimentation mixte à dominance silicoclastique. L'évolution des dépôts s'inscrit dans un prisme globalement rétrogradant d’Ouest en Est (Boulvain et al. 2001).
Les faciès triasiques ont un caractère continental et marin très peu profond, avec des formations détritiques et des évaporites. Les séries triasiques sont composées de corps aggradants constitués de rides sableuses dont la mise en place, en milieu côtier subtidal, s'est faite sous l'effet de courants de marée. La synthèse géologique du bassin de Paris (1980), avec les travaux de Durand (1978) ; de Bourquin et Guillocheau (1996), par exemple, indiquent les sédiments du Trias inférieur (Buntsandstein) de l'Est du bassin de Paris sont continentaux (principalement gréseux) et indique que les massifs varisques alentours, dont l'Ardenne, sont en érosion.
Les dépôts liasiques sont caractérisés par une alternance de faciès sableux ("faciès littoral") et de faciès marno-calcaires ("faciès lorrain") plus profonds. Leur épaisseur décroît généralement vers l'Ouest avec l'affirmation de leur caractère sableux. Les formations jurassiques montrent d'importantes variations latérales de faciès. La phase transgressive initiale du Jurassique, d'âge Hettangien, abandonne sur place (surtout dans l'Ouest de la Lorraine belge) des corps gréseux peu épais. A partir du Pliensbachien, les faciès deviennent de plus en plus marneux et sont formés d'argilites et de marnes silteuses laminaires.
Au début du Dogger, la bordure nord-est du bassin montre des faciès franchement marin. Le Bajocien-Callovien de l’Est du bassin de Paris montre l’absence de système silicoclastique littoral près de la bordure sud-ouest du massif ardennais (Garcia et al., 1996 ; Thiry-Bastien et al., 2000), suggérant que celui-ci n’était pas émergé. Les reconstitutions environnementales obtenues sur le Bathonien dans la région de Sedan montrent l’existence d’accidents synsédimentaires démontrant des déformations régionales (Thiry-Bastien et al., 2000). Cette tendance transgressive correspondrait à un basculement de la partie méridionale du massif ardennais vers le SW amenant son inondation progressive (Demoulin, 1995).
La présence d’éléments silicoclastiques dans les faciès marneux (marnes de Longwy) du Dogger de l'Est du bassin de Paris atteste un caractère littoral avec la présence de grains de quartz dans les faciès carbonatés (Brigaud et al., 2009). Cette tendance, montrée par les faciès détritiques (données de forages BRGM : InfoTerre®) s’affirme au cours du Jurassique supérieur, du Crétacé inférieur ainsi qu’au Cénozoïque. Durant la limite Jurassique/Crétacé et pendant le crétacé inférieur, le Dogger affleure au Luxembourg, et le sommet du Malm affleure vers la région de Bure : il y a donc un soulèvement bien marqué (Brigaud et al., 2009).
Les séries méso-cénozoïques, relatives au bassin de Paris, sont totalement absentes sur la bordure immédiate du massif ardennais à l’exception du bassin de Mons qui présente des caractéristiques particulières.
V.2. Présentation des échantillons
21 échantillons du soubassement paléozoïque (campagne de terrain 2005 et 2008 : I. Bour, J.Yans, B. Delcambre, T. Mortier, P. Spagna, J.M. Baele) prélevés à la surface avec des altitudes modestes (25 à 285 m) ont été choisis pour l'analyse TFA. Seul un échantillon a été prélevé dans un forage (BEL41).
Les roches plutoniques sont très rares dans les massifs ardennais et brabançon. La majorité des échantillons exploitables sont concentrés au sein du Synclinorium de Namur et du Synclinorium de Dinant dans de fins niveaux cinéritiques d’âge Viséen à Westphalien. Trois échantillons proviennent de la bordure SW du Brabant et sont caractérisés par des lithologies de type porphyre et dacite d’âge Ordovicien et Silurien. Deux échantillons sont issus des bordures du bassin de Mons dans les grès lochkoviens. Deux échantillons sont également prélevés sur le massif de Stavelot dans les tonalites ordoviciennes et les cinérites viséennes. Les détails stratigraphiques et lithologiques sont fournis dans le Tableau 6.
En fonction de la lithologie et du contenu en cristaux d’apatite, les analyses TFA sont concentrées sur la bordure Nord du massif ardennais au niveau de la faille du Midi. Par rapport à leur site d’échantillonnage, les données TFA exploitables suivent un axe est-ouest ainsi qu’un axe NW-SE. Ces régions sont majoritairement composées de schistes et de grès dévoniens qui contiennent très peu de cristaux d’apatite. Un échantillonnage dense a été réalisé sur le plateau de l’Ardenne qui constitue la région centre et Sud du massif mais n’a pas permis de collecter suffisamment de cristaux d’apatite.
Parmi les roches étudiées, la dacite (Fig. 61 A1) est une roche contenant des cristaux d’apatite. Elle est d’origine volcanique de texture microlitique composée de quartz, de plagioclase, de verre ainsi que de minéraux ferromagnésiens.
Les porphyres (Fig. 61 B1) sont également de bons supports pour les apatites. C’est une roche magmatique filonienne qui présente de nombreux cristaux d’orthose centimétrique noyés dans une pâte aphanitique.
Dans notre région d’étude, les niveaux à cinérites (Fig. 61 C1) sont les roches où la probabilité de recueillir des cristaux d’apatite et autres minéraux lourds est la plus importante. Les cinérites sont des roches pyroclastiques, souvent tendres et poreuses, formées par l'accumulation de cendres volcaniques en milieu aquatique. Elles sont organisées sous forme de discrètes lamines centimétriques assez difficilement identifiables. Ces dernières sont intercalées dans les schistes et calcaires carbonifères.
Les observations en cathodoluminescence montrent que les cristaux d’apatite, dans les roches cristallines du Brabant (dacite et porphyre), sont concentrés principalement dans les phénocristaux de feldspaths et de quartz (Fig. 61 A2-B2-C2). Les cristaux d’apatite sont organisés en amas ou en îlots dans ces phénocristaux et sont souvent jointifs entre eux. Leur taille est comprise entre 80 et 120 µm. La matrice intergranulaire ne contient pas d’apatite.
Dans les cinérites de l’Ardenne, les cristaux d’apatite ne forment pas d’amas entre eux et apparaissent dispersés dans la matrice microcristalline et argileuse. Leur taille est plus réduite par rapport à celle des cristaux d’apatite issus des roches cristallines et est comprise entre 60 et 80 µm.
V.3. Résultats TFA
19 âges ont été déterminés dans cette étude sur le domaine brabançon ainsi que sur le domaine Nord ardennais et sont compris entre 140±13 (BEL13) et 261±33 Ma (BEL49) (Tab. 7). Tous les échantillons possèdent donc des âges plus jeunes que leurs âges stratigraphiques et ont donc connu depuis leur dépôt des températures comprises dans l’intervalle de stabilité de la méthode (60-110°C).
Le détail des mesures de l’âge TFA grain par grain pour chaque échantillon est présenté en Annexe 3. L’ensemble des échantillons satisfait le test statistique du χ² au seuil de 5 %, et sont donc caractérisé par une seule population d’âge. La dispersion des âges calculés à partir des diagrammes radiaux (voir Annexe 4) indique une dispersion des âges inférieurs à 15 % pour la majorité des échantillons.
Dans le massif du Brabant, les données TFA indiquent des âges compris entre 140±13 à 195±25 Ma (BEL1, BEL12, BEL13). Plus au Sud dans l’axe du synclinorium de Namur (Fig. 62), les âges TF couvrent une gamme temporelle plus large compris entre 147±20 Ma et 246±23 Ma (BEL 29, BEL30, BEL31, BEL32, BEL34, BEL37, BEL38). Au Sud du front varisque, au niveau du synclinorium de Dinant, les données TFA montrent des âges plus anciens compris entre 223±15 Ma et 261±33 Ma (BEL 27, BEL33, BEL35, BEL36, BEL39, BEL49).
A plus grande échelle, les âges TFA augmentent en direction du Sud et dans les régions centrales du massif (Fig. 63A). Les valeurs des âges TFA individualisent des groupes de points caractérisant trois unités structurales telles que le Brabant, les Synclinoria de Namur et de Dinant. Sur un axe est-ouest, les âges TFA ne montrent pas de tendance (Fig. 63B).
Les valeurs du Dpar (en µm) apparaissent homogène pour chaque échantillon et varient de 1 à 2,2 µm (Tab. 7 ; Fig. 64). Cette large distribution traduit la variété des échantillons avec des apatites issues des roches cristallines (porphyre, dacite) présentant un Dpar bas (de 1 à 1,2 µm) et des apatites issues des niveaux de cinérite présentant des valeurs plus élevées comprises entre 1,1 et 2,2 µm. Les Dpar représentés en fonction des âges TFA sur l’ensemble des échantillons montre une faible corrélation (coefficient de corrélation de 0,57).
Les teneurs assez faibles en uranium (< 20 ppm) sur une majorité des cristaux d’apatite (Tab. 7) provenant des échantillons de cette étude engendrent une densité de traces très réduite. La probabilité que les traces de surface recoupent les traces confinées, permettant ainsi leur révélation, est ainsi réduite. En raison de la taille réduite des apatites (80 à 60 µm de longueur en majorité), la surface d’observation sur ces grains est restreinte et fait que le nombre de traces confinées observables est faible. Ainsi pour un certain nombre d’échantillons, il n’a pas été possible de modéliser l’histoire thermique.
En prenant en compte les échantillons avec plus de 10 traces confinées mesurées, les longueurs TFA moyennes sont homogènes à l’échelle du massif et sont comprises entre 12,0±0,36 et 13,2±0,4 µm avec un écart-type de 1,5 à 2,1 µm (Fig. 62). Les histogrammes des longueurs de traces de l’ensemble des échantillons présentent une distribution unimodale. Ces valeurs sont en accord avec des données obtenues sur des socles caractérisés par une érosion lente (Gleadow et al., 1986).
De 2 à 76 traces confinées par échantillon ont pu être mesurées et 9 modélisations ont pu être réalisées pour des échantillons possédant plus de 15 traces confinées afin d’établir une certaine représentativité. Les modélisations ont été possibles exclusivement dans les apatites contenues dans les cinérites. Les moyennes des distributions de longueurs de traces confinées varient faiblement et sont homogènes à l’échelle du massif. Les traces confinées mesurées indiquent qu’elles ont subi un épisode de recuit partiel car elles montrent un raccourcissement assez significatif par rapport à leur longueur initiale.
Au niveau des valeurs d’angles des traces confinées par rapport à l’axe cristallographique c et en fonction de leur longueur, il est possible de distinguer deux populations de points (Fig. 65) pouvant souligner deux épisodes thermiques distincts (notamment pour BEL36, BEL37). BEL38 et BEL39 montrent une certaine tendance de deux séries de populations de points. Sur les autres séries d’échantillons, une seule population de points est observable (par exemple BEL28, BEL33 : Fig. 65)
V.4. Analyse par microsonde électronique
Ces analyses ont été effectuées préférentiellement sur des échantillons possédant des valeurs de Dpar minimales (BEL01 : dacite) et maximales (BEL34 à 39 : cinérite) (Fig. 64). Les apatites contenues dans les cinérites présentent des teneurs en chlore supérieures à 0,68 % en poids et peuvent atteindre 2 % (Tab. 8). Les cristaux d’apatite issus des dacites ne dépassent pas en poids 0,17 % en chlore.
La corrélation des teneurs Cl et F avec le Dpar est aisément observable (Fig. 66A-B). Les valeurs du Dpar tendent vers des valeurs supérieures à 1,5 µm pour des teneurs en chlore supérieures à 0,6 % en poids.
Les teneurs en fluor et en chlore présentent des différences significatives entre les échantillons et montrent une relation moyenne avec l’âge TFA (Fig. 67A-B). Les deux échantillons les plus vieux possèdent la plus forte teneur en chlore.
Les teneurs en phosphore et en calcium sont comparables entre les apatites issues des roches cristallines (dacite) et volcaniques (cinérite). Le sodium présente une teneur plus importante dans les cristaux d’apatites provenant des cinérites. Les éléments traces (Sr) et de terres rares (Ce, Nd, Sm, La) contenus dans les apatites de cette lithologie présentent des teneurs comprises entre 0,1 et 0,18 % et sont légèrement plus élevées par rapport aux cristaux d’apatite issus des dacites (<0,1 %).
V.5. Analyse des inclusions avec le microscope électronique à balayage
Des observations et des mesures chimiques ponctuelles au Microscope Electronique à Balayage (MEB) ont été également effectuées sur les apatites issues des cinérites (BEL34 à 39) afin d’identifier et de caractériser les inclusions qu’elles contiennent. Les principaux types d’inclusions rencontrées sont synthétisés à la Figure 68.
Ces apatites provenant de cinérites contiennent différentes variétés d’inclusions caractérisées par des formes diverses souvent dans le même cristal (Fig. 68A). Les analyses chimiques ponctuelles ont montré que ces inclusions sont riches en silice (inclusion vitreuse : Fig. 68A) ou alumino-silicaté (Fig. 68C). Certaines inclusions, de composition argileuse (riche en Si et en Al), sont issues de fluides d’altération qui ont été véhiculés à partir du réseau de fractures du cristal. Ces dernières inclusions sont postérieures à la cristallisation de l’apatite et montrent une texture granuleuse ainsi que des golfes de corrosion sur leur périphérie (Fig. 68A-B).
Dans ces apatites, aucune inclusion de minéraux riches en U, en particulier de zircon n’a été observée.
V.6. Résultats (U-Th)/He
Des analyses par la méthode (U-Th)/He sur cristaux d’apatite (HeA) ont également été effectuées. Compte tenu de la rareté des grains d’apatite possédant une taille supérieur à 80 µm et dépourvus d’inclusions (minérales et vitreuses), 8 échantillons de cinérite ont pu fournir des résultats (U-Th)/He analytiquement corrects (reproductibilité des mesures, absence d’inclusion, dégazage complet de l’He contenu dans les cristaux).
Les valeurs des âges HeA mesurées sur les répliques d’un même échantillon montrent une faible dispersion sur trois échantillons (BEL12, 34, et HEL) et présentent des âges (U-Th)/He homogènes. Leur écart-type varie entre 1 Ma (BEL34) et 22 Ma (BEL12). Le reste des échantillons montre une dispersion importante pouvant atteindre un écart-type de 109 Ma (BEL13).
Si on considère l’ensemble des échantillons analysés, les âges (U-Th)/He obtenus sur le domaine ardennais sont compris entre 88±96 Ma et 448±33 Ma (Tab. 9). Les moyennes d’âges (U-Th)/He indiquent des valeurs comprises entre 164±14 et 330±1 Ma pour les échantillons présentant une dispersion d’âges inférieure à 10 % entre leur répliquat.
La taille ou le poids des cristaux d’apatite n’ont pas d’influence sur les âges (U-Th)/He grâce à l’emploi du FT. Les cristaux présentant une importante dispersion correspondent en majorité aux apatites possédant une concentration eU variable et supérieure à 30 ppm. Aucun dégazage d’hélium n’a été obtenu lors d’un deuxième palier de chauffage au laser, ce qui exclu la présence de micro-inclusion.
Les âges (U-Th)/He sont reproductibles uniquement pour deux échantillons daté par TF (BEL12 et BEL34 ; Fig. 69A). Pour le reste des échantillons du Brabant ainsi que de l’Ardenne, les âges (U-Th)/He ne sont pas reproductibles d’un répliquat à un autre. Compte tenu de l’importante dispersion des âges (U-Th)/He sur la majorité des échantillons (Tab. 9 ; Fig. 69), ces derniers ne fournissent pas d’informations exploitables en quantité suffisante pour établir des interprétations. Des hypothèses relatives à ces anomalies sont proposées en Annexe 5.
V.7. Modélisation de profils thermiques
Les données TFA sont injectées dans le programme de simulation AFTSolve® (Ketcham et al., 2005) utilisant le modèle de cicatrisation des traces de fission de Ketcham et al. (1999). Les modélisations ont été effectuées sur les cinérites ardennaises compte tenu de leur nombre de traces confinées mesurées. Le processus de modélisation correspond à augmenter au fur et à mesure le nombre de contraintes jusqu’à obtenir une histoire cohérente avec les données. Ces contraintes sont des données stratigraphiques, géodynamiques ou liées à l’âge des paléoaltérations.
V.7.1 Contraintes géologiques appliquées
Contrainte 1 : Les cinérites sont des dépôts volcaniques en milieu marin. Les cristaux d’apatite contenus dans ces cinérites étaient de ce fait en surface au Viséen (~345 Ma) (Delcambre, 1996).
Contrainte 2 : Au Carbonifère terminal, le front varisque est fortement subsident et génère un bassin d’avant-pays (fossé tectonique) qui est comblé par une importante accumulation d’épaisseur kilométrique de flysch houiller. Un métamorphisme d'enfouissement synorogénique a été daté entre ~336 et ~298 Ma par la méthode K/Ar (Piqué et al., 1984) dans les formations du Dévonien moyen et du Carbonifère des Synclinoria de Dinant et de Namur. La température a été estimée par différentes méthodes telles que la cristallinité de l'illite (Larangé, 2002), la couleur d'altération des conodontes (Helsen, 1995) et par les traces de fission des zircons (Brix, 2002) qui donnent toutes des résultats compris entre 190 et 310°C. En considérant un paléogradient géothermique de 60°C/km, la profondeur d'enfouissement de dévono-dinantien du Synclinorium de Dinant est estimée à 3,5 km (Larangé, 2002). Cette valeur confirme l’existence d’un épais flysch houiller sur cette région ; accumulation qui n'est plus observée à ce jour qu’au cœur de quelques synclinaux dont le Carbonifère peut atteindre 900 m d’épaisseur (d’après les Cartes géologiques de la Wallonie 1/25.000).
Contrainte 3 : Le socle ardennais se trouvait à la surface au Trias. Ceci est attesté par la présence de roches triasiques au Sud de l’Ardenne (Gaume) et les sédiments du Buntsandstein de l'Est du bassin de Paris, principalement gréseux, indiquant que les massifs paléozoïques en bordure, dont l'Ardenne, sont en érosion (par exemple, Synthèse géologique du bassin de Paris, 1980). Un argument de mise en surface du soubassement paléozoïque inférieur de l’Ardenne centrale (Daverdisse) est attesté la datation Pb-Pb sur metatorbernite et indique un âge d’altération à 244±14 Ma (Yans, 2003 ; Tab. 5). Cette hypothèse est cependant mal contrainte et sera discutée plus en aval dans le texte.
Contrainte 4-5 : Au Jurassique supérieur ainsi qu’au Crétacé inférieur, les bordures de l'Ardenne font l'objet d'un bombement lié à l’épaulement du paléo-rift de la mer du Nord (Quesnel, 2003) gardant le massif à l’abri des invasions marines pendant toute la première partie du Crétacé. Des datations K-Ar sur hollandites de Transinne en Ardenne centrale (126 ± 10 et 135 ± 8 Ma du Berriasien au Barrémien : Yans, 2003 ; Tab. 5) ainsi que des altérations kaolinitiques (Fig. 56) montrent pour cette période temps que le soubassement ardennais était à l’affleurement (Trias-Crétacé inf. : Yans, 2003). Une altération au Cénomanien-Turonien (88,9 ± 2,7 à 94,7 ± 6,1 : Yans, 2003 ; Tab. 5) est également datée sur le site de Transinne.
Contrainte 6 : Le Crétacé supérieur affleure au Nord de l’Ardenne (bassin de Mons, Tournaisis, Hesbaye et Pays de Herve). Des résidus d’altération de dépôts de craie subsistent sur les sommets actuels des Hautes-Fagnes (nord-est ardennais), soulignant l’avancée d'une mer campanienne et maastrichtienne (Bless et Felder, 1989). Selon Robaszynski (1975), l’altitude à laquelle se situent aujourd’hui ces dépôts serait liée à des mouvements tectoniques cénozoïques. Les régions de Mons et d’Hesbaye sont des aires subsidentes au Crétacé supérieur (Dupuis et Vandyke, 1989 ; Demoulin, 1995 ; Vandycke, 2002). La deuxième moitié du Crétacé se situe en contexte de haut niveau eustatique (+200 à +300 m par rapport au niveau actuel : Haq et al., 1988).
Périodiquement, au cours du Tertiaire, plusieurs transgressions débordent le massif du Brabant et atteignent le pied de l'Ardenne et y déposent des sédiments sur de faibles épaisseurs qui seront remaniés ultérieurement (dépôts continentaux) ou piégés dans le karst paléozoïque (Demoulin, 1995 ; Vandycke, 2002 ; Vandenberghe et al., 2004).
Contrainte 7 : Des datations Ar-Ar sur cryptomelane, en Transinne et au massif de Stavelot, indiquent une émersion miocène correspondant à des âges d’altérations comprises entre 19,9 ± 0,2 et 21,1 ± 0,4 Ma (Yans, 2003 ; Tab. 5).
V.7.2. Résultats de modélisation
L’histoire thermique a été reconstituée pour huit échantillons pour lesquels un nombre de traces confinées suffisant a été obtenu (N(L)>23) dont quatre simulations sont développées et illustrés ci-après (Fig. 70). L’ensemble des profils thermiques simulés possède des tests statistiques K-S et GOF de bonne qualité supérieurs à 0,70. Tous ces échantillons sont des cinérites viséennes. Les sites modélisés sont concentrés à l’extrême bordure Nord du front ardennais et couvrent les parties occidentales et orientales du Synclinorium de Dinant (BEL36, BEL39) ainsi que sur la partie Est du Synclinorium de Namur (BEL38). La faille du Midi passe entre les sites de BEL38 et de BEL39. Un autre site modélisé (BEL28) se situe sur la partie nord-est du massif de Stavelot, en limite de bordure du graben Oligocène de la Röer et correspond à la région la plus orientale de la zone d’étude.
Il est intéressant de noter que les différents sites modélisés présentent des différences d’âges TFA pouvant atteindre 74 Ma (BEL39 : 152±9 Ma ; BEL36 226±19 Ma), mais ont enregistré les mêmes événements thermiques. Sur l’ensemble du domaine ardennais, les modèles obtenus présentent des chemins temps-température comparables (Fig. 70). Les modélisations thermiques mettent en évidence deux événements thermiques de réchauffement au Carbonifère terminal dans un premier temps et au Crétacé supérieur dans un second temps. Les meilleurs profils thermiques indiquent que le deuxième épisode de réchauffement a lieu entre le Coniacien et le Maastrichtien (89-65 Ma).
Les résultats de la modélisation réalisée à l’aide de ces contraintes sont acceptables avec une valeur du test K-S > 0,80 (Press et al., 1988). L’histoire peut être résumée à deux cycles d’augmentation et de diminution de la température : fini paléozoïque / début mésozoïque et Crétacé supérieur / Tertiaire (Fig. 70).
Si l’augmentation de la température est compatible avec toutes les données au paléozoïque supérieur, il n’en est pas de même pour la diminution de la température qui suit. Cette augmentation de la température est bien contrainte géologiquement et correspond à la sédimentation carbonifère dans un bassin d’avant-pays (Paproth et al., 1983b). Au contraire, la modélisation de la présence des échantillons en surface au Trias n’est pas immédiate pour tous les échantillons : elle est cohérente pour les échantillons BEL37, BEL36, BEL35, BEL34, BEL28, BEL27 qui présentent des âges traces de fission supérieur à 200 Ma ; elle est probable pour les échantillons plus jeunes <200 Ma (BEL 39, BEL 38, BEL33) bien qu’un scénario suggérant un séjour à plus haute température au cours du début du Jurassique suivi d’une diminution progressive de la température apparaisse meilleur statistiquement.
L’augmentation de la température au Crétacé supérieur apparaît pour tous les échantillons modélisés. Les meilleurs profils thermiques indiquent que cet épisode de réchauffement a eu lieu entre le Coniacien et le Maastrichtien (89-65 Ma).
Entre ces deux cycles d’augmentation et de diminution de la température, la modélisation des données est compatible avec des températures basses (<60°C) pour lesquelles le système traces de fission sur apatite n’apporte pas de précision.
V.8. Discussions
V.8.1. Ages TFA
Les données traces de fission sur apatite de cette étude ont été associées aux données existantes ce qui permet d’obtenir une base de donnée significative (83 échantillons) (Vercoutere et van den Haute, 1993 ; Glasmacher et al., 1998 ; Karg et al., 2005 ; Xu et al., 2009 ; Carter com. pers.). Les âges sont compris entre 111±10 et 290±33 Ma et indiquent une valeur moyenne de 197±38 Ma ; la longueur moyenne des traces confinées est comprise entre 11,7 et 14,2 µm avec une moyenne de 12,8±0,1 µm. La cohérence entre les différents auteurs est assez bonne à l’exception des longueurs de Vercoutere et van den Haute (1993) qui apparaissent plus grandes.
La distribution géographique des données est assez homogène mais permet d’isoler deux zones réduites aux données contrastées (Fig. 71A) : le brabant est caractérisé par des âges inférieurs à la moyenne, compris entre 140±13 et 196±25 Ma ; le massif de l’Eifel est également marqué par des âges très jeunes, compris entre 110±10 et 130±22 Ma. Pour les autres régions, les âges sont en moyenne compris entre 180 et 225 Ma bien que des âges plus vieux ou plus jeunes peuvent être reconnus localement (Fig. 71B). Si seul le socle ardennais et brabançon est pris en considération, il apparaît clairement que les âges diminuent vers le Nord. Les échantillons présentant des âges plus jeunes dans le massif ardennais s’alignent plus ou moins parallèlement à la faille du Midi (Fig. 71B). Compte tenu des mesures de Dpar et des teneurs en Cl (âge TFA non biaisé par les fortes teneurs en Cl), un contrôle géographique des âges est privilégié par rapport à un contrôle cinétique des traces.
La distribution des âges TFA n’est pas quelconque. Des classes d’âges ont été discriminées à partir d’une courbe de suite croissante des âges TFA (Fig. 72A). Chaque rupture de pente de la courbe délimite différentes classes d’âges. Il en ressort trois classes d’âges TFA (<150 ; 160-240 ; >250 Ma : Fig. 72) à l’échelle du domaine brabançon et ardennais. Les âges TFA dominant sont compris entre 150 et 240 Ma (Fig. 72A-B).
Fig. 71 (page précédente) : Distribution des âges TFA sur l’Ardenne et le Brabant regroupant les données de cette étude ainsi que celles de la littérature. Les classes d’âges TFA (déterminées à la Fig. 72) sont également représentées par un code couleur. L’encart B représente la carte d’interpolation de l’ensemble des âges TFA de cette étude associés à ceux de la littérature.
La répartition géographique de ces classes d’âges n’est pas aléatoire et fait ressortir au niveau de la géographie deux zones d’âges plus jeunes au niveau du massif du Brabant et à l’extrémité Sud de la vallée de la Röer (Fig. 62 et Fig. 72A). Une géodynamique plus récente du massif brabançon mais également de l’extrémité Sud de la vallée de la Roer, par rapport à l’Ardenne, est mise en évidence. Le massif de l’Eifel et le massif Rhénan oriental indiquent des âges variables sur une faible superficie géographique et ne suivent pas la tendance observée au niveau du domaine ardennais-brabançon. Ceci peut être rattaché à l’histoire du fossé rhénan se trouvant à proximité immédiate. Les grabens du bassin Ouest néerlandais et les grabens de la Roër ont eu probablement un rôle dans les phases de mouvements verticaux cénozoïques.
Le groupe des âges les plus anciens se concentre au sud-ouest du domaine ardennais en bordure du bassin de Paris et au nord-est du massif rhénan oriental (Fig. 62).
Les données bibliographiques TFA disponibles sur l’Ardenne-Brabant et les régions périphériques (Fig. 71) confirment la tendance du gradient nord-sud des âges. La répartition des âges TFA, selon des aires géographiques données (Fig. 62 et Fig. 71), caractérise des unités structurales indiquant une histoire géodynamique et un soulèvement plus récent en direction du domaine de la Mer du Nord depuis l’allochtone ardennais et peut être relié aux phases tectoniques de ce même domaine.
Les âges les plus vieux se situent tous au Sud de la faille du Midi. L’hypothèse de la structuration en deux grandes unités tectoniques : l’allochtone ardennais et le parautauchtone Brabançon est réaliste pour expliquer la distribution des âges thermochronologiques.
La haute Ardenne et sa partie Sud ont subi une exhumation par la zone partielle de rétention autour de 290 et 271 Ma, et plus tardivement dans sa partie nord-est (238-229 Ma). L’axe de cette région se concentre sur le massif de Rocroi où ce dernier est marqué par les âges TFA plus jeunes de 158 à 204 Ma (Xu et al., 2009 ; Carter com. pers.), tandis que les flancs sont caractérisés par des âges plus anciens de 198 à 290 Ma (Vercoutere et Van den Haute, 1993 ; Xu et al., 2009 ; Carter com. pers.). Un changement brutal de l'âge TFA entre le socle du massif de Rocroi (195 Ma) et son flanc septentrional (290 Ma) est mis en évidence par Xu et al. (2009). Les âges TFA les plus anciens sont concentrés sur le rebord Nord du massif de Rocroi ainsi que sur le massif de Givonne et sont comprises entre 247 et 290 Ma. Une exhumation différentielle, entre les noyaux cambriens du Rocroi et ses bordures, peut être évoquée.
Les âges TFA plus jeunes, compris entre 75 et 150 Ma (Vercoutere et Van den Haute, 1993 ; Glasmacher et al., 1998 ; Carter com. pers. ; cette étude), sont concentrés au Sud du massif du Brabant et au niveau de frange NE de l'allochtone ardennais, et soulignent le contrôle des accidents environnants tel que la réactivation de la faille du Midi et l’initiation du graben du Roer.
Les Synclinoria de Namur et de Dinant ainsi que le massif de Stavelot affichent des âges TFA assez diversifiés compris entre 160 et 240 Ma avec majoritairement des âges entre 200 et 230 Ma (Glasmacher et al., 1998 ; Xu et al., 2009 ; Carter com. pers. ; cette étude). Une exhumation différentielle d’unités structurales segmentées et contrôlées par un réseau de failles annexes est une hypothèse plausible.
Une exhumation différentielle entre les différentes régions de l’Ardenne et du Brabant est probablement commandée par la réactivation post-varisque des accidents préexistants dont la faille du Midi. Les données TFA entre l’Ardenne et le Brabant indiquent que ces deux massifs fonctionnent en tant que deux grands blocs structuraux.
Les échantillons TFA provenant de l’Ardenne, ont été affectés par de multiples événements d'exhumation et ne montrent aucune corrélation systématique entre l'âge et l'altitude.
V.8.2. Gradient géothermique actuel
L’évaluation de l’ampleur de l’érosion et l’interprétation de l’épaisseur d’enfouissement sont directement dépendantes du gradient géothermique qui est une référence permettant de faire le lien entre la température et la profondeur.
La surface de l’Europe de l’Ouest (entre la péninsule ibérique et la Pologne) émet un flux de chaleur contrasté compris entre 30 et 150 mW/m² (Fig. 73) et correspond à un gradient géothermique variant de 12 à plus de 60°C/km environ. Des relations apparaissent entre la distribution du flux géothermique et les grandes structures géologiques. En Europe les anomalies thermiques, supérieures à 100 mW/m², sont localisées principalement dans le Massif Central, les Vosges-Forêt Noire, les Carpathes-Dinarides ou encore le bassin de la mer Egée et les régions de l’Italie centrale.
La plate-forme Ouest européenne possède un gradient moyen de 30°C/km à la différence de la plate-forme Est européenne (bouclier baltique) possédant un gradient cratonique de 12°C/km. Le domaine brabançon délivre un flux de chaleur d’environ 80 mW/m² et atteint les 100 mW/m² soit 40°C/km dans le domaine ardennais.
V.8.3. Histoires thermiques
Les données TFA fournissent des profils thermiques homogènes. Aucun contraste important de l’histoire thermique n’est observé au sein des différents secteurs du domaine ardennais. Des variations géographiques s’observent de manière ponctuel pour les échantillons inférieurs à 180 Ma.
V.8.3.1 Phases d’enfouissement
Les profils thermiques modélisés montrent deux épisodes de réchauffement depuis le Carbonifère pouvant être interprétés comme des épisodes d’un important enfouissement en relation avec les témoins sédimentaires régionaux encore préservés actuellement.
a. Sédimentation carbonifère terminal
Le premier grand réchauffement initié à la limite carbonifère-permien peut être relié à un important enfouissement sédimentaire correspondant à des flysch houillers. Pendant le Carbonifère et le Permien inférieur, les régions actuelles constituées par les Synclinoria de Namur et de Dinant étaient localisées au niveau du bassin d’avant-pays de la chaîne varisque dont la compression s’exerçaient du Sud vers le Nord. La subsidence prononcée de ce bassin d’avant-pays a généré un important espace d’accommodation comblé par une puissante série sédimentaire de Carbonifère supérieur (« Houiller »).
La profondeur d'enfouissement est estimée à 3,5 km (Larangé, 2002), ce qui laisse présager de l'épaisseur du flysch houiller qui a recouvert cette région et qui n'est préservé actuellement que dans des synclinaux secondaires (Larangé, 2002).
Pattijn (1963) est le premier à proposer l’hypothèse d’une couverture carbonifère sur le massif du Brabant. Une étude de Van den Haute et Vercourtere (1989) sur les TFA du massif du Brabant met également en évidence la présence d’une épaisse couverture sédimentaire majoritairement d’âge Carbonifère sur leur domaine d’étude. 3 km ou plus de sédiments auraient recouverts le Brabant au moins jusqu’au Trias.
b. Sédimentation crétacé supérieure
Les simulations thermiques indiquent un épisode d’augmentation de la température durant le Crétacé supérieur. Ce second enfouissement centré au Campanien est matérialisé par un réchauffement avoisinant les 60°C. Ceci entraîne à proposer l’existence d’une incursion marine entre le Coniacien et le Maastrichtien qui aurait déposé une épaisseur significative de sédiments, aujourd’hui érodée, sur la partie Nord du domaine ardennais pour expliquer ces paléotempératures plus élevées que les températures actuelles. En considérant un gradient géothermique moyen de 40°C/km, une épaisseur de l’ordre du kilomètre peut être reconstituée au minimum.
Les données TFA de Glasmacher et al. (1998) montrent également cet épisode de réchauffement du Crétacé supérieur au Paléogène sur les parties orientales du massif de Stavelot. Xu et al. (2009) n’illustrent pas cet épisode de réchauffement sur la haute Ardenne ainsi que sur le Synclinorium de Namur et le massif de Stavelot. Ils proposent la stabilité du domaine ardennais sur l’ensemble du Mésozoïque et ne tiennent pas compte de la grande phase d’altération du Crétacé inférieur ainsi que le contexte subsident des régions du bassin de Mons et d’Hesbaye au Crétacé supérieur.
La détection de cet épisode de réchauffement est caractérisé par un maximum de température de l’ordre de 60°C et apparaît en limite supérieure du domaine de résolution des traces de fission dans l’apatite. Aucun échantillon ne présente une distribution de la longueur des traces bimodale, ni un écart type supérieur à 2 µm. La température maximale atteinte lors de cet épisode est inférieur à 80°C. Afin de tester la robustesse de cette augmentation de la température, des modélisations thermiques présentant ou non cet épisode ont été réalisées (par exemple BEL38 : Fig. 74).
Le modèle de la Figure 74A illustre une histoire thermique compatible avec les données sans la contrainte 4-5 et 6 (cf. Fig. 70 : avec phase de soulèvement et d’altérations kaolinitiques et augmentation de la température au Crétacé supérieur). Ce scénario correspond à une diminution progressive de la température avec un parcours de la roche dans la zone de rétention partielle des traces depuis le Permien jusqu’au Paléogène. Ce scénario est celui qui est proposé par Xu et al. (2009) pour expliquer les données acquises dans ce modèle. Ce scénario ne considère pas la présence des échantillons à la surface au Crétacé inférieur, notamment au niveau des sites où des datations sur altérite ont été déjà réalisé (Yans, 2003). Ce modèle n’est pas compatible avec les données de terrain et les évènements géodynamiques de l’Ardenne, notamment pour le Jurassique supérieur et le Crétacé inférieur qui sont caractérisés par des phases d’altérations et une sédimentation détritique (Yans, 2003 ; Thiry et al., 2006 ; Brigaud et al., 2009) et par une phase de bombements tectoniques de la mer du Nord (Quesnel, 2003).
La Figure 74B présente la modélisation de l’histoire thermique sans l’événement crétacé supérieur mais en considérant les échantillons à la surface au Crétacé inférieur et à la base du Crétacé supérieur. Dans ce scénario, le profil thermique anté-crétacé supérieur est quasiment similaire aux profils thermiques de la Figure 70. En revanche, la qualité du modèle est nulle. Cette modélisation n’est pas compatible avec les données. Ainsi il apparaît que l’existence d’une augmentation de la température au Crétacé supérieur est étroitement contrôlée par la présence du socle ardennais à la surface au cours du Crétacé inférieur (140-120 Ma) et à la base du Crétacé supérieur (90-85 Ma).
Cet enfouissement au Crétacé supérieur de la bordure Nord ardennaise, montrée par la simulation, est en accord avec les données stratigraphiques régionales encore préservées (Vandycke, 2002 ; Bless et Felder, 1989) mais également avec les cartes paléogéographiques régionales (Colbeaux, 1977 ; Robaszynski et Dupuis, 1983 ; Buurman et Janssen, 1983 ; Fig. 75). La Figure 75 reprend les extensions marines maximales sur l’Ardenne à partir des affleurements actuellement répertoriés. Dans les bassins voisins (bassin de Paris et bassin Ouest Hollandais), le Crétacé supérieur est exprimée sous la forme de craie.
Les données TFA indiquent que la mer de craie du Crétacé supérieur a transgressé sur le Nord de l’Allochtone ardennais permettant le dépôt de séries sédimentaires d’épaisseur significative. Des lambeaux de dépôts crétacés (argile à silex : Bless et Felder, 1989), conservés dans les Hautes-Fagnes à environ 500 m d’altitude, attestent cette phase transgressive dans les régions plus internes au massif. D’autres arguments, notamment l’existence de Maastrichtien dans le Sud de l’Eifel prouvent que la transgression marine avait pénétré jusqu’à ces régions et suggèrent que cette transgression s’est faite comme conséquence du rifting depuis la mer du Nord en direction du fossé rhénan. Colbeaux et al. (1977) argumentent également que la mer a recouvert le Nord et probablement l’Ouest de l’Allochtone ardennais au Cénomanien et au Turonien. De modestes transgressions marines plus au Sud de l’Allochtone ardennais peuvent cependant rester envisageables mais leur présence reste à être démontrée. Les âges TFA au Sud de l’Ardenne (Carter com. pers. ; Fig. 71) sont du même ordre de grandeur que les régions septentrionales et seraient compatibles avec cette hypothèse pour les régions plus méridionales.
Au niveau du bassin de Paris, une transgression s’opère depuis les bassins alpins au Sud-Est dès le Barrémien. L’ensemble de ce bassin est recouvert qu'au début du Crétacé supérieur avec une transgression s’exerçant depuis la mer Boréale. Le bassin de Paris cumule une subsidence tectonique d’environ 400 m de profondeur (Fig. 76) en même temps qu’un haut niveau eustatique (Haq et al., 1988). Cette configuration favorise une importante accumulation des dépôts de craie (faciès dominant à cette période) sur l’ensemble du bassin où ce dernier acquière sont maximum d’extension.
Du Cénomanien au Sénonien, la transgression possède son maximum d’extension dans le bassin de Paris et également au niveau du bassin Ouest néerlandais où les données de maturité de la matière organique montrent un fort réchauffement (Nelskamp et al., 2007 : Fig. 77) qui est associé à un enfouissement sous des séries du Crétacé supérieur. Les courbes d’enfouissement, établies par Vincent et al. (2007) à partir des séries oxfordiennes-kimméridgiennes de la bordure Est du bassin de Paris, soulignent l’accumulation maximale d’environ 1000 m de dépôt durant le Crétacé supérieur. Un constat similaire à partir des données de paléotempératures suggèrent que des épaisseurs plus importantes de craie ont pu être déposées ; environ 500 mètres supplémentaires sont envisagées (Demars et Pagel, 1994 ; Ménétrier et al., 2005). La même interprétation est proposée dans le nord-est du Massif Central (Morvan) à partir de données TFA (Barbarand, 2003) où jusqu'à 1000 m de craie crétacée supérieure auraient recouvert le socle varisque. Cette couverture de craie a été depuis érodée par les phases de soulèvements paléogènes-néogènes.
Ces données suggèrent que l’extension du bassin de Paris a été beaucoup plus importante durant le Crétacé supérieur. L’extrapolation des isopaques des séries du Crétacé supérieur, préservées dans le bassin de Paris (Fig. 2), appuie l’hypothèse d’un recouvrement de l’Ardenne. Les séries du Crétacé supérieur en bordure NE du bassin de Paris ne montrent pas de terminaison en biseau mais plutôt une troncature d’érosion venant interrompre la continuité des séries (Fig. 10A). La présence de Crétacé supérieur, avec des surfaces d’érosion en sommet de séquence, en Ardenne septentrional et sur le Brabant (actuellement sous les séries cénozoïques), va également dans le sens de cette interprétation.
Il est ainsi nécessaire de considérer le dépôt de la craie du Crétacé supérieur pour expliquer le paléorecouvrement compatible avec les données TFA. L’épaisseur de Crétacé supérieur proposée pour le Nord du massif ardennais est en accord avec les épaisseurs présentes dans les bassins voisins.
Les données TFA enregistrent une accumulation de Crétacé supérieur trois fois plus importante à ce qui est préservée dans le bassin de Mons, par exemple, où sa tectonique particulière enregistre de manière discontinue 300 m de Crétacé supérieur. L’hypothèse pouvant être évoqué serait que le remplissage du bassin de Mons qui représente une anomalie négative aujourd'hui, en terme de relief (c'est-à-dire un bassin), est caractérisé par un remplissage crétacé plus faible que ce que les données TFA de cette étude proposent sur l'Ardenne où ce domaine constitue, aujourd'hui, une anomalie positive. Cette même logique s’observe également dans la vallée du Roer qui constitue un graben cénozoïque à l’Est de l’Ardenne-Brabant. En effet, le bloc Peel, actuellement en position surélevée sur le rebord NE de la vallée du Roer, présente une accumulation de Crétacé supérieur qui ne se retrouve pas dans certaines parties de la vallée en dépression. Il existe une inversion entre les points originellement en position hautes et en positions basses.
Sur la bordure Nord de l’Ardenne, cette invasion marine s’opère en période de stabilité eustatique à la fin du Crétacé. D’après certains auteurs, les raisons de cette phase d’enfouissement sont reliées à un net affaissement de la partie Nord de l’Ardenne qui constituait une zone de relief (Demoulin, 1995) suite à un basculement du soubassement du Sud vers le Nord selon l’axe varisque qui apparaît omniprésente dans l’histoire post-paléozoïque régionale.
V.8.3.2 Phases d’exhumation
Les profils thermiques soulignent également deux épisodes de refroidissement pouvant être interprétés comme la diminution de la profondeur d’enfouissement. Ces refroidissements peuvent être le résultat de deux phases importantes d’exhumation et d’érosion.
a. Erosion post-varisque
Trias
Les données TFA (Fig. 70) sont contraintes avec l’hypothèse que le massif ardennais s'est fortement refroidi dès le Permien inférieur et durant le Jurassique. Ce refroidissement est la conséquence du soulèvement du massif, accompagné de l'érosion de la totalité de l’importante couverture carbonifère houillère sus-jacente. Le plissement varisque a été suivi en Europe, à partir du Permien et jusqu’au Crétacé inférieur, d'une importante période d’érosion générale qui a transformé le domaine ardennais en une vaste pénéplaine (Meilliez, 1988 ; Lacquement et al., 2003).
Les modélisations indiquent un soulèvement paroxysmal entre 250 et 150 Ma sur les bordure Nord ardennaises avec une mise à l’affleurement du soubassement paléozoïque au Crétacé inférieur. Ce soulèvement va maintenir le massif à l’abri des invasions marines jusqu’au maximum de la grande transgression crétacée. Entre 250-150 Ma, l’Ardenne est caractérisée par une exhumation différentielle évoluant entre 0,8 et 1,6°C/Ma pour les périodes antè-Crétacé. Les quantités exhumées le long de la bordure Nord ardennaise atteignent environ 2000 m, jusqu’au Crétacé inférieur, en tenant compte d’un gradient géothermique de 40°C/km.
Il a été suggéré également que près de 3000 m de roches auraient été érodées. Les données TFA provenant de l’allochtone ardennais et du Brabant indiqueraient une exhumation similaire du soubassement entre les deux massifs (Vercoutere et Van den Haute, 1993). L’intervalle de temps mésozoïque caractérisé par des températures de sub-surface correspond aux phases tectoniques éo et néo-cimmérienne s’étendant de la fin du Trias à la limite Jurassique/Crétacé. Ces épisodes tectoniques voient le début de l’ouverture de l’Atlantique et de la mer du Nord (Ziegler, 1982).
La première grande phase d’érosion dès le Trias est attestée par la datation par des paléosurfaces antéliasiques ainsi que des datation d’altérites sur métatorbernite (244±14 Ma : Yans, 2003). Ces preuves de mise à l’affleurement du socle au Trias s’observent seulement au niveau des massifs paléozoïques inférieurs (dont Daverdisse, massif de Rocroi). Les données TFA indiquent un bon indice de confiance pour une importante exhumation triasique notamment au niveau du massif de Stavelot (BEL28, Fig. 70-4). La contrainte d’une exhumation au Trias fourni des tests GOF et K-S de meilleure qualité dans les parties plus internes du massif pouvant être associé, durant tout le Mésozoïque et le Cénozoïque, à un taux de recouvrement sédimentaire moins important par rapport aux régions situées en position plus septentrionale.
La surface de discordance entre le socle paléozoïque et la couverture triasique en Lorraine belge est inclinée vers le Sud. Elle est identifiée en tant que pénéplaine anté-triasique. L’Ardenne fait partie d’une large aire continentale englobant le massif du Brabant, le massif schisteux Rhénan ainsi que le Harz (Murawski et al., 1983).
Dans le bassin de Paris, le Trias présente des lithologies gréseuses avec des épisodes calcaires et évaporitiques. Il témoigne d’un bassin côtier de faibles profondeurs, entouré de reliefs au Nord, au Sud et à l’Ouest. La chaîne varisque, en phase d’aplanissement, alimente en produits détritiques une région affectée de fossés d'effondrements, constituant l’embryon du bassin de Paris. Le Trias montre des dépôts gréseux, en continuité avec ceux du Permien avec une évolution vers une sédimentation marine. La fin du Trias est marquée par une transgression importante mais superficielle générant des dépôts évaporitiques.
Jurassique
L’augmentation de la température du soubassement au Jurassique n’est pas contrainte par les données traces de fission et la modélisation car la température maximale n’a jamais dépassé 50°C. Des arguments sédimentologiques plaident cependant en faveur d’un recouvrement au moins partiel de l’Ardenne au Jurassique inférieur. En effet, les faciès des terrains liasiques les plus proches de l’Ardenne correspondent à une bathymétrie importante, sans trace d’apport détritique particulier (Garcia et al., 1996).
Plusieurs études sur le Bajocien-Callovien de l’Est de la France (Garcia et al., 1996 ; Thiry-Bastien et al., 2000) décrivent l’absence de système silicoclastique littoral près de la bordure sud-ouest de l’Ardenne, suggérant que celle-ci n’était pas émergé durant cette période. Il est en effet reconnu que le pôle de subsidence du bassin de Paris se situe dans le NE de la France (Autran et Dercourt, 1980), c'est-à-dire à proximité immédiate de la bordure Sud ardennaise. Il n’est donc pas exclu que des avancées marines viennent transgresser sur cette partie de l’Ardenne (Fig. 75) en contexte subsident. Les reconstitutions environnementales obtenues sur le Bathonien dans la région de Sedan montrent l’existence d’accidents synsédimentaires démontrant des déformations régionales (Thiry-Bastien et al., 2000). Cette tendance transgressive correspondrait à un basculement de la partie méridionale du massif vers le SW amenant son inondation progressive (Demoulin, 1995). Au Bathonien, les zones bourguignonne et ardennaise étaient connectées entres elles, rejetant les faciès marins ouverts à l’Est et à l’Ouest. Cette disposition caractérise une morphologie en bassin inversé (Curnelle et Dubois, 1986).
Les séries jurassiques préservées restent cantonnées sur la limite Sud du massif (Gaume, NE de la Lorraine), après avoir largement débordé sur les séries triasiques du golf du Luxembourg. Au Lias, le Bassin de Paris voit l’installation d’une tectonique extensive orientée E-W à NW-SE liée à la répercussion du rifting téthysien à la même période (Blès et al., 1989; Guillocheau, et al., 2000). Le Lias débute par un ennoiement généralisé du bassin. Les milieux de dépôts progressent d’Est en Ouest depuis le domaine téthysien en cours d’ouverture (Mégnien et al., 1980 ; Curnelle et Dubois, 1986). Les dépôts du Jurassique moyen du bassin de Paris sont la conséquence d’une forte extension crustale, marquée par l’ouverture de l’Atlantique Central puis de l’Atlantique Nord (Callovien).
Néanmoins, les âges TFA anciens obtenus sur l’extrême bordure Est du bassin de Paris (environs de Charleville-Mézières, Sedan, Thionville, Luxembourg) sont comprises entre 193±17 et 283±26 Ma (Carter, com. pers.) et ne mettent pas en évidence un enfouissement significatif du soubassement ardennais par des puissantes séries sédimentaire au Jurassique moyen. Les faciès silicoclastiques à cette période se localisaient probablement dans des régions plus internes au massif et ont été rapidement érodés en raison de leur faible épaisseur.
Cependant divers éléments vont dans le sens d’un massif ardennais à l’affleurement au Jurassique supérieur. Des grains de quartz sont observés dans les faciès marneux (marnes de Longwy) de la fin du Dogger de l'Est du Bassin de Paris (Brigaud et al., 2009) et suggère l’existence de domaines 'cotiers', avec probablement un massif Ardenne-Brabant caractérisé par un relief très peu marqué soumis à une faible érosion en prémices d’un événement érosif plus marqué.
Au Jurassique supérieur, le contexte géodynamique (principalement contrôlé par les ouvertures atlantiques et téthysiennes : Guillocheau, et al., 2000) a pour effet de générer un des plus forts taux de subsidence de toute l’histoire du bassin de Paris (Fig. 76) et influence fortement la sédimentation (Brunet, 1981). Néanmoins, l'absence de dépôts du Malm sur la bordure méridionale du massif ardennais témoignerait d'un relèvement épirogénique conséquent en dépit d'une montée importante du niveau eustatique. Les modèles de cette étude attestent cette hypothèse. En effet, le Malm des bordures Est du bassin de Paris et du bassin Ouest néerlandais est caractérisé par des calcaires sableux (Fig. 58) soulignant l’érosion des soubassements du Brabant et de l’Ardenne. Une étude de la susceptibilité magnétique sur les argilites Callovo-oxfordiennes (Esteban et al., 2006), également sur l’Est du bassin de Paris, indique une linéation magnétique orientée selon un axe NNW-SSE. Cette orientation préférentielle est liée à l’alignement des grains détritiques d’oxydes de fer par rapport à la direction d’un paléocourant provenant du massif rhénan dont l’Ardenne et le Brabant où ces massifs fournissent les fractions détritiques silteuses.
Au Jurassique terminal, le bassin de Paris est presque totalement à l’émersion. Le bassin est affecté au Tithonien par un retrait de la mer en direction de l’Ouest, affectant principalement la partie Est. Des niveaux évaporitiques et un paysage continental karstique, par dissolution des calcaires, se forment (faciès d’altération météorique purbeckien).
Crétacé inférieur
L’évidence d’une exposition subaérienne est attestée par le développement de sol et d’une karstification des calcaires jurassiques du bassin de Paris pendant le Crétacé inférieur (Guillocheau et al., 2000 ; Quesnel, 2003 ; Thiry et al., 2006 ; Vincent et al., 2007 ; Theveniaut et al., 2007). Les modélisations fournissent de bon indices de confiance en prenant compte de cet évènement d’altération durant la période du Crétacé inférieur.
Il est connu que les sédiments du Jurassique terminal et du Crétacé inférieur du bassin de Paris sont caractérisés par plusieurs discordances (limite Jurassique/Crétacé, Berriasien et Aptien terminal) Ces discordances sont accompagnées d’une diminution importante de la vitesse de subsidence du socle et correspondent à la discontinuité cimmérienne (Guillocheau et al., 2000). Elle est l'expression du soulèvement des marges de bassin de Paris pendant rifting du Golfe de Gascogne, le rifting de la Mer du Nord et l'expansion océanique ligurienne (Guillocheau et al., 2000). Ce soulèvement s'est également produit dans le bassin de Wessex situé au niveau de l’actuel Manche (Lake et Karner, 1987).
Au Crétacé inférieur des mouvements tectoniques successifs couplés avec plusieurs chutes du niveau eustatique ont conduit à l’émersion d’une grande partie du domaine nord-ouest européen induisant le développement de puissantes altérations latéritiques et érosives (faciès wealdien : Thiry et al., 2006).
Il est réaliste de suggérer que l’Ardenne, le Brabant et les régions rhénanes ont été exposés durant le Crétacé inférieur et sont restés ainsi sous forme de grands plateaux émergés (Thiry et al., 2006). A une échelle plus large, des données géologiques et géochimiques indiquent que des conditions continentales régnaient sur une grande partie de l’Europe de l’Ouest (Yans, 2003 ; Thiry et al., 2006 ; Théveniaut et al., 2007). Les travaux sur la diagenèse des calcaires du Dogger de la partie Est du bassin de Paris (Brigaud et al., 2009) mettent également en évidence un uplift des bordures Est du bassin évalué à la même période. Le comblement de la porosité de ces calcaires est associé à la circulation de fluides météoriques riche en carbonate issue de la karstification et de la dissolution des séries sus-jacentes (Oxfordien) causant une recharge hydrologique (Vincent et al., 2007 ; Brigaud et al., 2009). Cet uplift peut être mise en relation avec l’exhumation accrue de l’Ardenne au Crétacé inférieur avec une accélération de la vitesse de refroidissement (Fig. 70).
Les discordances préservées dans le bassin de Paris contrairement au domaine ardennais montrent que les deux domaines n’étaient pas soumis au même régime de soulèvement. Des altérites sur la bordure Sud du Brabant et à l’Est du plateau de l’Ardenne ont été datées à la limite jurassique-crétacée et Crétacé inférieur (par méthode Ar-Ar et K-Ar : Yans, 2003) et confirment que le terrain était en contact avec l’atmosphère dans ces régions.
Les données TFA dans le massif Rhénan oriental, en bordure du bassin de la Ruhr, ont également détecté un refroidissement post-varisque associé à une exhumation (Karg et al., 2005). Les données TFA de Glasmacher et al. (1998) illustrent également cet épisode d’exhumation progressif jusqu’à la base du Crétacé supérieur. Xu et al. (2009) interprètent une rapide exhumation dès le début du Permien et notamment une phase de stabilité thermique avec un socle maintenu à 80°C jusqu’à l’Eocène. Cette étude montre des divergences d’interprétation des chemins thermiques avec Xu et al. (2009) et provient de la géométrie des histogrammes de distribution des longueurs de traces qui montre un écart-type plus resserré par rapport à celle de cette étude mais surtout par l’absence de contraintes mésozoïques clairement définies.
b. Erosion cénozoïque
Les profils thermiques illustrent un refroidissement accéléré au Néogène (Fig. 70) correspondant à un épisode d’inversion en répercussions à l’ouverture de l’Atlantique Nord et aux changements du style de déformation intraplaque. Au Paléogène, la régression marine est accompagnée par un épisode érosif attesté par un refroidissement du soubassement visible sur les simulations thermiques (Fig. 70). Ce refroidissement s’amorce dès la fin du Paléogène et caractérise une série de phase d’exhumation notamment au Miocène. La couverture crétacée est intensément érodée et l’Allochtone ardennais est mis à l’affleurement durant ces périodes.
Des paléoaltérations au Paléogène et au Néogène (Thorez et Bourguignon, 1971 ; Yans, 2003) démontrent la mise à l’affleurement du soubassement. Il est possible d’émettre l’hypothèse que toute l’Ardenne était soumise à une altération variable et qu’un dépôt localisé ou généralisé de craie au Crétacé supérieur sur le domaine ardennais (d’épaisseur variable suivant la paléotopographie) ait pu exister. La craie est une roche tendre et friable qui ne résiste pas à l’action des agents atmosphériques. Il y aura lessivage et dissolution progressive de cette couverture de craie qui se poursuivra durant tout le Cénozoïque. Seuls, subsisteront les résidus insolubles sous forme de limons et de silex conservés dans les dépressions topographiques. Les meilleurs témoins de ce dépôt de craie sur les actuels hauts topographiques de l’Allochtone ardennais sont les altérites des Hautes-Fagnes (sédiments campaniens décalcifiés : argile à silex ; Bless et Felder, 1989) qui ont été conservées à la faveur de quelques rares dépressions tectoniques locales.
En comparaison, une puissante couverture d’altérites s’est également développée dans le bassin de Paris (Guillocheau, et al., 2000 ; Quesnel, 2003) et montre un contexte d’émersion généralisé s’initiant dès le début du Paléogène. Après le retrait de la mer crétacée du bassin de Paris, une puissante couverture d’altérites composées d’argile à silex s’est développée. Les dépôts tertiaires présentent une extension beaucoup plus réduite par rapport aux terrains mésozoïques et sont principalement développés en son centre tandis que ses bordures sont soumises à l’érosion. L’isolement du bassin de Paris est croissant au cours du Cénozoïque, jusqu’à l’établissement d’une cuvette endoréique (Guillocheau, et al., 2000). Si le début du Tertiaire est encore marqué par des faciès marins, l’Eocène est principalement sableux et gréseux (épicontinental, voire continental) et l’Oligocène devient continental. A partir du Miocène supérieur se met en place un régime compressif, selon une direction NW-SE, sous le contrôle de l’orogène alpin. Le bassin n’est plus en subsidence et amorce son inversion dès la fin de l’Oligocène (Fig. 76). L’inversion est plus importante sur la partie Est du bassin (Fig. 76, profil Est). La déformation est accompagnée d’un soulèvement généralisé avec l’enracinement du réseau hydrographique (Curnelle et Dubois, 1986 ; Guillocheau, et al., 2000 ; Le Roux et Harmand, 2003).
Le bassin Ouest néerlandais ainsi que la vallée du Röer sont en phase d’inversion tectonique pouvant être rattachée, d’après la terminologie de Ziegler (1990), aux phases sub-hercynienne (Crétacé terminal) et laramienne (Paléocène). L'événement tectonique le plus important sur l’ensemble des bassins néerlandais s'est produit à la fin du Crétacé, bien que l’ampleur diffère de manière significative entre les différentes parties du système (Fig. 77). Une importante inversion de la région s’amorce dès le milieu du Crétacé supérieur avec un maximum à la limite crétacée-paléogène. L’épaisseur de matériel érodé au début du Paléogène est la plus importante au niveau du bassin centre néerlandais avec des quantités atteignant 2500 m. La quantité d’érosion dans le bassin Ouest néerlandais atteint 2000 m à sa marge orientale tandis que dans la partie la plus occidentale du bassin néerlandais, elle atteint 500 m (Nelskamp et al., 2007).
Les transgressions depuis le Nord de la Belgique ne débordent plus sur le massif ardennais. Son émersion a favorisé une érosion intense et l'approfondissement des vallées. Le surcreusement du réseau hydrographique de la vallée de la Meuse enregistre la néotectonique du front varisque et montre un fort soulèvement de l’Ardenne au Miocène (Van Vliet-Lanoë et al., 2006). Un enracinement du réseau hydrographique est mise en évidence (Curnelle et Dubois, 1986 ; Guillocheau, et al., 2000 ; Le Roux et Harmand, 2003). En effet, l’observation du réseau hydrographique actuel atteste que des mouvements tectoniques récents ont affecté le massif ardennais. Il semble que le réseau hydrographique actuel possède une histoire récente car dans le cas contraire, il aurait entaillé bien plus profondément les vallées. La structuration du massif ardennais ne semble pas daté depuis le cycle varisque, le profils d’altérations ne se sont pas mis en place sur une géomorphologie déjà existante.
A la fin du Cénozoïque, l'Europe acquiert progressivement sa physionomie actuelle. L'Ardenne poursuit son soulèvement pour atteindre les altitudes que nous lui connaissons de nos jours. Le soulèvement de l’Ardenne est toujours actif actuellement (Demoulin, 1995).
c. Dômes topographiques de la marge Nord européenne
L’inversion cénozoïque des régions ardennaise et du bassin de Paris s’observe également dans des régions beaucoup plus septentrionales au niveau de la marge Nord européenne (incluant les îles britanniques et la Scandinavie) et au niveau de la marge Est grœnlandaise. Le domaine de l’Atlantique Nord et son évolution géodynamique sur la marge Nord européenne sont discutés dans la littérature. La géographie physique complexe de la marge nord-ouest européenne au sens large est en grande partie le reflet des variations d'épaisseur de la croûte due à la distension continentale et au magmatisme connexes (Praeg et al., 2005).
Une série de structures de compressions cénozoïques a été identifiée le long de la marge Atlantique NW européenne (Mosar et al., 2002). La marge continentale britannique enregistre des amplitudes verticales de 2 à 4 km (Johnson et al., 2005). Ces uplifts peuvent être provoqués par compression pendant le transfert de microplaques à partir du Groenland vers l'Europe pendant un changement du mouvement relatif de plaque (par exemple Doré et Lundin, 1996 ; Doré et al., 1999). Cependant, ils peuvent être le résultat de l’effet d’un champ de contrainte lointain issu de l'orogène alpine (Vågnes et al., 1998), d’un ridge-push, d’un effet de réorganisation de plaque, d’un changement du taux de propagation ou de plumes mantelliques (Smelror et al., 2007). Le phénomène du ridge-push comme facteur principal est renforcé par l'observation de structures compressives plicatives au Groenland (Price et al., 1997) qui ne peuvent pas être couplé aux contraintes provenant de l'orogène alpine.
La subsidence cénozoïque de la marge Atlantique Nord-Est a été accompagnée par le soulèvement et l'érosion des zones côtières NW européennes et des plateaux marins peu profonds (par exemple Japsen et Chalmers, 2000 ; Doré et al., 2002). Sur la marge nord-ouest européenne, les zones soulevées correspondent à des dômes topographiques (> 1000 m dans le Sud de la Norvège par exemple). Il existe des preuves de la faible densité du manteau sous les «dômes» du Sud de la Norvège (Rohrman et al., 2002) ainsi que ceux de Grande-Bretagne et en Irlande (Bott et Bott, 2004 M.H.P. Bott et J.D.J. Bott, Le soulèvement du Cénozoïque et la ceinture de tremblement de terre du continent Grande-Bretagne comme une réponse à un sous-jacent, chaud, à faible densité du manteau supérieur, Journal of the Geological Society, Londres Bott et Bott, 2004).
Praeg et al. (2005) argumentent sur le rôle de la convection mantellique et la réorganisation des plaques sur l’évolution géodynamique de la marge Nord européenne. Les caractéristiques modélisées de la convection du manteau supérieur sont compatibles, d’après ces auteurs, avec la succession spatiale et temporelle des mouvements épirogéniques observés sur la marge européenne NW. Les mouvements verticaux peuvent être expliqués par la convection à petite échelle, compatible avec une évolution de l'écoulement dans le manteau supérieur sous l'Atlantique NE.
L'évolution topographique de la région d'Atlantique Nord est controversée et variable entres auteurs. Aucune méthode ou observation ne peut entièrement souligner une synchronisation des événements de soulèvement dans la région de l'Atlantique Nord (Anell et al., 2009). Il est probable que l'évolution du soulèvement de la région soit le résultat de la superposition d'un certain nombre de mécanismes géodynamiques. Le soulèvement régional s'est produit dans le Paléocène-Eocène. Ceci a été probablement lié à la séparation entre l'Europe et le Groenland. L'Oligocène et le Miocène ont été caractérisés par une stabilité tectonique régionale mais avec localement des soulèvements localisés. Ce soulèvement est probablement lié à la tectonique compressive et au changement dans la dynamique de propagation des contraintes dans la région de l’Atlantique Nord (Anell et al., 2009).
V.9. Conclusion
La reconstitution de l’histoire thermique du massif ardennais aboutit à une nouvelle compréhension de la géodynamique et de la paléogéographie de cette région au Méso-Cénozoïque. Les âges TFA déterminés dans cette étude, comprenant le massif ardennais et brabançon, sont compris entre 140±13 et 258±18 Ma (de 290±33 Ma à 146±15 avec les données de la littérature) et sont beaucoup plus jeunes que les âges de dépôt ou de cristallisation. Ces données permettent de considérer que les roches siluriennes à carbonifères ont été ramenées à des températures supérieures à 110°C permettant de cicatriser totalement les traces de fission. Il n'y a aucune corrélation systématique entre ces âges TFA et les altitudes.
En tenant compte du contexte régional, l'histoire thermique post-varique des échantillons provenant de la bordure Nord de l’Ardenne (Synclinorium de Namur, Synclinorium de Dinant) enregistre ponctuellement les témoins de mouvements tectoniques et de transgressions marines.
Après un enfouissement du socle paléozoïque anté-carbonifère sous une série de flyschs carbonifères dont l’épaisseur peut être estimée à 3 km, ce socle a été porté à la surface lors de l’exhumation généralisée de la chaîne varisque. L’Ardenne représente alors un environnement continental avec le dépôt de sédiments fluviatiles analogues à ceux qui sont à l’affleurement au NE de la France. La région ne représente pas au Lias une zone soumise à l’érosion et des faciès carbonatés ont pu s’y déposer. A partir du Jurassique moyen et jusqu’au début du Crétacé supérieur, l’Ardenne et le Brabant ont sans doute connu à nouveau une histoire continentale : des sédiments détritiques observés dans le bassin de Paris pourraient y trouver leur source au cours du Jurassique moyen et Supérieur ; des profils d’altération s’y développent au Crétacé inférieur et jusqu’au début du Crétacé supérieur et aboutissent à la formation d’épais manteaux de kaolins.
De grandes surfaces d’altération déterminées à la bordure Est du bassin de Paris ainsi que sur le domaine paléozoïque de l’Ardenne sont décrites en tant que phases d’érosion majeures (Quesnel et al., 2002 ; Quesnel, 2003 ; Yans, 2003). La reconstitution de la géométrie des paléosurfaces dans les secteurs NE du bassin de Paris ainsi que du massif de Rocroi (Quesnel et al., 2002) permettent d’interpréter des basculements périodiques des surfaces d’altération pouvant être associés au soulèvement de la bordure SW du massif ardennais. Ces épisodes d’altération correspondant à une mise à l’affleurement du soubassement s’observent également au niveau des histoires thermiques déterminées à partir des données TFA.
Les données thermochronologiques permettent de proposer que cet épisode continental a été interrompu par la transgression de la mer de la craie qui a déposé sur les massifs du Brabant et de l’Ardenne une couche de sédiments d’épaisseur importante (~1000m) entre le Coniacien et le Maastrichtien.
L’hypothèse proposée envisage une sédimentation peu épaisse au début du Mésozoïque avant une érosion et une phase d’altération au cours Crétacé inférieur puis le dépôt de la craie au Crétacé supérieur avant une érosion importante au Tertiaire. Ce scénario qui reprend la dynamique sédimentaire et d’émersion du bassin de Paris et du bassin Ouest néerlandais est cohérent avec les données traces de fission sur le domaine ardennais (Fig. 78). Le recouvrement du socle ardennais au Crétacé supérieur se déroule dans des conditions de haut eustatique, le maximum se situant à la transition Cénomanien / Turonien (Haq et al., 1988).
Les massifs ardennais et brabançon constituent alors une extension des zones de bassins et assurent la continuité entre le bassin de Paris et le bassin Ouest néerlandais (Fig. 78). Cette couverture a été érodée pour sa plus grande partie lors de l’inversion de cette région associée aux répercussions de la collision Afrique – Europe. L’Ardenne et le Brabant ont certainement été recouverts par des sédiments Eocène avant de subir au Miocène un nouvel épisode d’altération et de voir très récemment l’incision du réseau fluviatile aboutissant au paysage actuel.
Les âges thermochronologiques indiquent une histoire géologique plus récente en direction de la Mer du Nord. L’hypothèse d’une accumulation plus importante de dépôts cénozoïques sur le Brabant par rapport à l’Ardenne, ayant pour conséquence de fournir des âges TFA plus jeunes, peut être évoquée.
L'Ardenne post-varisque demeure à l'abri d'une intense activité crustale ainsi que de puissantes couvertures sédimentaires. Néanmoins, les grandes transgressions du Crétacé supérieur ont débordé sur l’Allochtone ardennais dès le Coniacien avec un maximum centré au Campanien. Les régions situées plus au Sud au niveau des massifs de Rocroi et Givonne fournissent des âges TFA anciens (>240 Ma) et peuvent être rattachés à un long épisode de relative stabilité de cette partie du massif ardennais.