IV- Contexte géodynamique de l’Europe occidentale
L'Europe occidentale s’est structurée pendant l’orogenèse varisque ainsi que l’orogenèse alpine et a subi diverses phases de déformations du permo-carbonifère au Cénozoïque. Pendant ces périodes, les régimes tectoniques ont changé à plusieurs reprises ce qui a entraîné la réactivation de structures préexistantes. Ceci s'applique spécifiquement aux bassins mésozoïques qui se sont développés sous un régime de transtension responsable de la création de dépression le long de failles décrochantes. Ces bassins se sont inversés pendant le Crétacé supérieur et au Cénozoïque en réponse aux contraintes intraplaques compressives.
Un état des lieux des connaissances géodynamiques de l’Europe est indispensable à la compréhension des zones géographiques étudiées dans ce travail et vont permettre de replacer l’histoire tectonique des massifs ardennais et bohémien dans le contexte géodynamique global.
Des travaux sur différentes régions de la plate-forme Ouest européenne (par exemple Malkovsky, 1987 ; Ziegler, 1987 ; Ziegler, 1990 ; Dercourt et al., 1993 ; Maurin, 1995 ; Guillocheau et al., 2000) permettent de proposer une chronologie des différentes étapes de déformation et direction des paléochamps de contraintes. Cette chronologie est énumérée ci-après. Dans ce chapitre seront présentés une synthèse des grands traits de l’évolution et de la structuration de l’Europe post-varisque à l’échelle du continent depuis l’orogenèse varisque.
IV.1. Orogène dévonien-carbonifère : formation de la Pangée
Le cycle varisque est un cycle orogénique paléozoïque qui a débuté au Dévonien et s'est terminé au Permien. Cet orogène s’accompagne de déformations et de métamorphisme qui ont culminé entre 380 et 300 Ma avec sans doute des reliefs importants de type alpin. La chaîne varisque est une chaîne de collision continentale résultant de la convergence et de la collision entre les blocs continentaux de la Laurussia au Nord (Europe du Nord ou Baltica et Amérique du Nord ou Laurentia) et du Protogondwana au Sud (Afrique incluant l’Europe centrale et méridionale). La conséquence de cet orogène est la formation du supercontinent de la Pangée (Fig. 38).
L’hypothèse principale évoquée, est une convergence accompagnée par la résorption de deux domaines océaniques (océan Rhéïque et Galice-Massif Central). Des sens de subduction opposée pour la fermeture de ces deux océans sont déduits des données structurales (Matte, 1986). L’océan Rhéïque se ferme par une subduction vers le Sud tandis que l’océan Galice-Massif Central subducte vers le Nord.
La chaîne varisque se caractérise par son allure sinueuse avec deux courbures principales : l’arc ibéro-armoricain entre le Massif Armoricain et le NW de la Péninsule Ibérique et l’arc de Bohême à l’Est (Fig. 39). La chaîne couvre une bande d’une longueur de 3000 km et sur 700 km de largeur.
Cette chaîne constitue le socle anté-permien de toute l’Europe occidentale et centrale. Elle est constituée essentiellement de sédiments paléozoïques (Cambrien à Carbonifère moyen) et de granites déformés et métamorphisés avant le Carbonifère terminal puis repris par la tectogénèse et le métamorphisme alpin pour sa partie méridionale. Ses terrains affleurent au sein de nombreux massifs cristallins stables, tels que le massif ibérique, la Cornouaille, le massif armoricain, le Massif Central, les Vosges, l’Ardenne, le bloc corso-sarde, les Maures, le massif de Saxe-Thuringe et le massif de Bohème. Les terrains se prolongent sous les grands bassins sédimentaires méso-cénozoïques tel que le bassin de Paris, le bassin d’Aquitaine, les bassins SW germanique, de basse Saxe et également de Pologne (Matte,1986 ; Franke, 1989 ; Costa, 1990).
Le système de double subduction par le Nord et le Sud caractérise des domaines structuraux (Fig. 39) parallèles à l’axe de la chaîne varisque. En effet, en Europe de l'Ouest et centrale, la chaîne varisque peut être décomposée, du Nord vers le Sud, en différents domaines tectonométamorphiques (Behr et Heinrichs, 1987) :
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Le Massif du Brabant-Londres qui constitue l’avant-pays. La limite Nord de l’orogenèse est bien marquée de l’Irlande à l’Allemagne par le front varisque qui est matérialisé par un grand chevauchement plat à vergence Nord (exemple de la faille du Midi en Ardenne).
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La zone rhéno-hercynienne (zone Nord) qui s'étend de l’Ardenne au Harz, est caractérisée par une puissante série sédimentaire s'étendant du Cambrien au Carbonifère inférieur. Cette série, atteignant le faciès schiste vert, est vigoureusement plissée, faillée et déversée vers le Nord.
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La zone saxo-thuringienne (zone médiane) est divisée en deux branches par le bloc continental cadomien : la zone Manche centrale au Nord et la zone centre armoricaine au Sud. Elle est caractérisée en Allemagne par la zone cristalline médio-germanique au Nord qui serait le prolongement possible du bloc cadomien et au Sud par des sédiments paléozoïques dont le métamorphisme va croissant vers le Sud. Les plis et nappes sont déversés vers le Nord.
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La zone Sud, dite moldanubienne en Allemagne et arverno-vosgienne en France représente la zone interne de l'orogène varisque. Elle est caractérisée par un socle gneissique structuré et consolidé entre l'Ordovicien supérieur et le Dévonien inférieur Dans le nord-est du Massif central et les Vosges, cette zone est reconnaissable par une couverture volcano-sédimentaire non métamorphisée d'âge Dévonien supérieur et Carbonifère inférieur. La structure du socle gneissique est complexe et est caractérisée par un système de nappes déversées vers le Sud. La limite Sud n’est bien repérable qu’au sud-est du massif Bohême (Fig. 39).
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La zone moravo-silésienne à l’extrémité orientale qui est composée par un large bassin carbonifère d’avant-pays sur le versant méridional de la chaîne.
Une grande partie des grands accidents tectoniques qui segmentent actuellement la plate forme européenne est héritée de l’orogénèse varisque (Matte, 1986 ; Matte, 1991 ; Ziegler, 1990 ; Ziegler et Dézes, 2005 ; Fig. 40).
IV.2. Permien inférieur - Trias : début de la dislocation de la Pangée
Au Permien, la quasi-totalité des terres fait partie de la Pangée avec à l’Est l’Océan téthysien. Au permo-trias, les reliefs sont abrasés et un environnement fluvio-lacustre se développe. Des séquences d’altération triasique sont décrites en Europe (par exemple Godard, 1989 ; Migon et Lidmar-Bergström, 2001, 2002).
Durant le Permien supérieur et le Mésozoïque, un système de bassins intracratoniques formés par subsidence thermique se sont développés (Ziegler, 1990 ; Gaetani et Chuvachov, 2000 ; Gaetaniet al., 2000a ; Gaetaniet al., 2000b). Du Permien au Trias la Pangée commence à se morceler. A cette période, un complexe de rifts multidirectionnels s'est développé en Europe occidentale et centrale (Fig. 40).
Ce complexe de rifts est responsable de la formation des grands systèmes de bassins de l’Europe de l’Ouest (dont celui de la mer du Nord) ainsi que les ouvertures océaniques de la Téthys occidentale et de l’Atlantique. Le développement des grabens (qui ont évolué en rift puis en océan), impliquant en partie la réactivation des contraintes tectoniques sur le système de fractures permo-carbonifères, a persisté pendant le Jurassique et jusqu’au Crétacé inférieur (Ziegler et al., 2001).
Dès le Trias et pendant la majeure partie du Mésozoïque, une période de restructuration tectonique est marquée par des ouvertures océaniques (Fig. 41). Le Mésozoïque est une période de variations eustatiques importantes. La paléogéographie de l’Europe à cette période est sous l’influence prépondérante de transgressions marines saccadées venant de la Téthys. Des mers peu profondes sont épisodiquement isolées (Murawski et al., 1983 ; Suk et al., 1984).
IV.3. Trias-Jurassique : Ouvertures océaniques
IV.3.1. Mer du Nord
A partir du Trias, la Mer du Nord a subi une première phase d’extension (souvent suggérée E-W) qui a généré de nombreux grabens d’orientations diverses (Brun et Nalpas, 1996). Il se manifeste, à cette période, la mise en place d’une anomalie thermique centrée sur l’Ecosse et le Danemark (Ziegler, 1988 ; Underhill et Partington, 1993 ; Jacquin et al., 1998). La genèse de ce dôme engendre une régression de grande amplitude en plusieurs étapes.
Après une période de calme relatif au début du Jurassique, l’ensemble du domaine de la Mer du Nord subi une deuxième phase d’extension du Jurassique moyen au Crétacé inférieur. Cette phase est reliée au début du rifting dans l'Atlantique Nord (Ziegler, 1992a). C’est durant cette deuxième phase d’extension qu’est générée la majorité des grabens de la Mer du Nord (Ziegler, 1989, 1990 ; Underhill et Partington, 1993). Les grabens s’inscrivent dans un dôme structural dont les épaulements sont soumis à l’érosion. La distribution et la taille du hiatus stratigraphique illustrent l’exposition d’un bombement au-dessus du niveau marin. En outre, les épaisseurs de sédiments accrues en base de flancs du dôme indiquent que le dôme jurassique a continué à se développer jusqu’au Jurassique supérieur à travers l’ensemble du bassin de la Mer du Nord (Graversen, 2006).
Pendant le Jurassique supérieur et le Crétacé inférieur, le rifting est croissant dans la Mer du Nord et a été accompagné par le développement des systèmes de cisaillement senestre à la terminaison Sud du rift de la Mer du Nord (Nalpas et al., 1995). Ce cisaillement contrôle l'affaissement des domaines de bassin Ouest néerlandais ainsi que de la basse-saxe (bassin NE allemand) (Fig.1). Au Jurassique supérieur, le bouclier Rhénan et l’ensemble des massifs vosgien-Forêt Noire, associés au massif du Brabant, constituent une grand ensemble continental d’après la répartition des surfaces d’altérites (Murawski et al., 1983 ; Migon et Lidmar-Bergström, 2002). Le massif de Bohême à cette même période, subit une importante phase extensive contemporaine de la deuxième phase d’extension de la Mer du Nord. Cet épisode extensif induit la formation de grabens orientés NW-SE (dont notamment la formation du bassin Crétacé bohémien).
IV.3.2. Téthys occidentale
Au Trias, l’océan téthysien s’ouvre d’Est en Ouest et sépare le Gondwana de la Laurasia (Fig. 41). Cette séparation ne sera pas complète avant la fin du Jurassique (Dercourt et al., 1992). A cette période, l’Europe reste un domaine essentiellement continental avec des dépôts soit franchement continentaux, soit lagunaires (évaporites) en connexion avec la mer du Zechtein.
Du Trias au Crétacé inférieur, les reliefs sont quasi inexistants et l'extension liée au rift de la Mer du Nord et à l'ouverture de la Téthys entraîne la création de grabens en Bohême et dans le Massif Rhénan (Ziegler, 1990). La vision actuelle de l’Europe occidentale pour ces périodes est décrite en tant que domaine en grande partie recouverte par un complexe de mers épicontinentales (Fig. 42) formant un vaste paysage d’archipels à topographies très modestes, reliques du relief varisque (Groupe Français d’Etude du Jurassique, 1980 ; Dercourt et al., 1993 ; De Wever, 1999). Les environnements les plus répandus de la marge nord-ouest téthysienne sont ceux des plates-formes terrigènes qui se développèrent dans un large domaine néritique. Ce système néritique se compose de plusieurs bassins (bassin de Paris, bassins germaniques par exemple) plus ou moins individualisés selon leur étendue en réponse à l’eustatisme et aux contraintes tectoniques. Les épisodes transgressives du bassin de Paris sont sous influence tethysienne (Groupe Français d’Etude du Jurassique, 1980) et le restera jusqu’à la fin du Crétacé (Pomerol, 1977 ; Dercourt et al., 1993 ; Guillocheau et al., 2000).
Dès le Lias, l’ouverture de la Téthys atteint l’Europe occidentale qui est affectée par un épisode distensif généralisé. Une tectonique distensive au Sud de la marge européenne est attestée par la présence de blocs basculés (Garcia et al. 1996) bien connu dans la région de l’Oisans (Alpes méridionales : Debelmas, 1999).
Au Dogger, la Téthys génère une dorsale séparant complètement la Pangée en deux continents distincts : le Gondwana au Sud et la Laurussia au Nord. Une nouvelle phase de transgression affecte la marge Ouest européenne. La Téthys continue à progresser vers l’Ouest et atteint l’emplacement de l’actuel Atlantique central. L’activité accrue des dorsales pendant cette période se traduit aussi par d’importantes transgressions sur l’ensemble de l’Europe.
IV.3.3. Domaine Atlantique
L’ouverture à la fin du Jurassique inférieur de l'océan Atlantique central (190-180 Ma) et l’ouverture de la Téthys alpine au Jurassique moyen, ont conditionné l'évolution des rifts de l'Europe de l'Ouest et centrale (Ziegler, 1988 ; Ziegler et al., 2001 ; Stampfli et Borel, 2004 ; Fig. 42). L’âge le plus généralement admis pour la première croûte océanique est Jurassique Moyen, autour de 175 Ma. Des deux côtés de l’Atlantique, il est estimé qu’un épisode volcanique majeur (Central Atlantic Magmatic Province : CAMP ; Olsen, 1999) se situe à la base du Lias, peu avant la fin de la formation des évaporites initiée au Trias.
L’ouverture de l’Atlantique central individualise franchement un espace marin (Dercourt et al., 1993) permettant l’évolution du rift en marge passive et la séparation de l’Europe occidentale, de l’Afrique avec le bouclier Nord américain (Fig. 42).
Au niveau de la marge Ouest européenne, les premières traces de rifting se font sentir au Crétacé inférieur (marge de la Galice) ainsi que par l’ouverture “en ciseaux” et la rotation de la plate-forme Ibérique générant le Golfe de Gascogne. En Europe de l’Ouest, il n’y a pratiquement pas de magmatisme associé à cette ouverture océanique. Les basaltes tholéitiques de la « Chaussé des géants » en Ecosse sont seulement d’âge Paléocène.
A la fin du Jurassique, la Téthys commence à se refermer en relation avec l’ouverture de l’Atlantique central et la rotation de la plaque africaine vers le Nord.
L’ouverture de l’Atlantique Nord a débuté à la fin du Lias, mais la véritable formation de croûte océanique intervient plus tardivement dès le Bathonien inférieur (Emery et Uchupi, 1984). L’ouverture du domaine Nord Atlantique se poursuit par propagation graduelle depuis l’Atlantique central et sépare l’Amérique du Nord de l’Europe.
IV.4. Transgressions crétacées
Dès la fin du Crétacé inférieur s’amorce une transgression marine de grande ampleur ennoyant la plate-forme européenne. A l’échelle de l’Europe de l’Ouest, le haut niveau eustatique du Crétacé supérieur (Haq et al., 1988) est responsable de la transgression paroxysmale du Cénomano-Turonien. Cette dernière est responsable de l’extension maximale des bassins sédimentaires et de l’inondation de la plupart des massifs varisques d’Europe. De nombreux témoins sédimentaires sur les socles paléozoïques et une importante accumulation des faciès crétacés sont observables. L’Europe occidentale est recouverte par une mer épicontinentale chaude couvrant une large zone depuis le bassin d’Aquitaine jusqu’à la Mer du Nord dont la profondeur est comprise entre 200 et 300 m (Ziegler, 1990 ; De Wever, 1999). C’est pendant cette période de montée du niveau marin que se déposent la craie et les faciès associés. La craie est le type de faciès le plus caractéristique du Crétacé supérieur sur l’Europe.
L’Europe est alors une péninsule bordée de mers sur trois côtés : la Téthys ligurienne à l’Est ; la Téthys proprement dite au Sud ; l’Atlantique à l’Ouest qui va prendre de plus en plus d’importance au fur et à mesure de la fermeture du domaine téthysien relatif au cycle alpin.
IV.5. Crétacé sup. à Néogène : Convergence Afrique-Europe et interaction de l’orogène alpine sur l’avant-pays européen
Dés le Crétacé supérieur, l’ouverture de l’Atlantique Nord provoque l’arrêt de l’ouverture de la Thétys alpine. Le rapprochement entre l'Afrique et l’Europe est engagé et la marge européenne subducte sous la micro-plaque apulienne. Cette dernière, constituant un appendice de la plaque africaine, a joué un rôle déterminant dans l’histoire alpine. L’orogène alpin n’est au Crétacé supérieur que dans un stade primitif de convergence pendant lequel s’effectue la fermeture des différents domaines océaniques séparant les blocs continentaux qui parsemaient la Néotéthys. Dans la partie centrale des Alpes, l’ouverture du Golfe de Gascogne provoque, d’après Stampfli et al. (2001), un décrochement extensif sur le Sud de l’Europe qui conduit à la création d’un domaine océanique : l’océan alpin (Valaisan), au Crétacé inférieur.
L’histoire orogénique proprement dite des Alpes comporte plusieurs épisodes majeurs.
IV.5.1. Compression au Crétacé supérieur
Pendant le Turonien-Santonien (93,5-83,5 Ma), la plaque africaine a commencé à converger vers la marge Sud européenne selon un mode de rotation antihoraire (Le Pichon et al., 1988 ; Rosenbaum et al., 2002). La plaque ibérique se rapproche de la plaque européenne suivant le même mouvement de rotation (Olivet, 1996). Ces mouvements provoquent l'activation de nouvelles zones de subduction qui conduisent à la fermeture progressive de la Tethys alpine ou océan alpin (Stampfli et al., 2001). Débutant vers la fin de Turonien (±90 Ma), un régime compressif s’exerce sur les marges septentrionales de la Tethys (Carpathes et région orientale des Alpes). La Figure 43 illustre la position des différentes plaques au Santonien et la position des zones de déformation susceptibles de s’exercer à cette période.
Au Turonien supérieur-Sénonien inférieur, le front orogénique alpin atteint la marge passive de la plate-forme helvète (Alpes centro-orientales et Carpates) (Frisch, 1979 ; Tollmann, 1980 ; Trümpy, 1980 ; Debelmas et al., 1983 ; Ziegler, 1987).
Au Crétacé supérieur ainsi qu’à la base du Tertiaire, les grabens mésozoïques du centre et du Sud de la Mer du Nord subissent une inversion tectonique dont le paroxysme de déformation, s’effectue à des périodes différentes selon les grabens (Ziegler, 1990 ; Underhill et Partington, 1993). Le bombement crétacé de la Mer du Nord n'a pas été érodé car le niveau marin était à son maximum, et le dôme est resté au-dessous du niveau de la mer. Pendant cette phase, les grabens subissent une inversion majeure et une érosion avec, le plus souvent, la réactivation de failles normales en failles inverses (Ziegler, 1978 ; Liboriussen et al., 1987 ; Brun et Nalpas, 1996).
Le bassin de Basse-Saxe est principalement inversé au Campanien (Betz et al., 1987) tandis que les grabens néerlandais (bassins Ouest et centre néerlandais) ont été inversés principalement au Crétacé supérieur. Des jeux décrochants sont mis en évidence pendant l’inversion (Van Wijhe, 1987).
Au niveau des Alpes orientales et centrales se met en place le charriage austroalpin et un métamorphisme correspondant à la phase souvent nommée éo-alpine, surtout connue en Autriche. Les phases compressives dans les Alpes orientales et centrales sont plus précoces que dans les Alpes occidentales et cette dernière est plus communément connue sous le nom de phase autrichienne formant les premiers reliefs alpins. Le premier épisode d’enfouissement du bloc austro-alpin sous l’Apulie est réalisé au Maastrichtien (Rosenbaum et Lister, 2005).
La fin du Crétacé et le début du Paléogène sont caractérisés par une surrection et une émersion communes à toutes les provinces (Meyer et al., 1983 ; Malkovsky et al., 1984 ; Ziegler, 1990 ; Ziegler et Dézes, 2005). En Bohême et sur la bordure septentrionale du Massif Rhénan, cette surrection généralisée est contemporaine aux épisodes de chevauchements ayant pour effet de réactiver les failles paléozoïques et mésozoïques causant l'inversion des grabens (Malkovsky, 1987 ; Zijerveld et al., 1992).
L'ouverture de l'Atlantique Nord se réalise complètement au cours du Cénozoïque. Le Groenland et le Bouclier Canadien se séparent au Paléocène. Le Groenland et la Scandinavie s'individualisent au cours de l'Eocène (Ziegler, 1990 ; Sahabi et al., 2004).
IV.5.2. Compression au Paléogène supérieur
La phase la plus intense de la compression intraplaque s’opère au Paléocène (65-55 Ma), et caractérise la collision alpine proprement dite et la déformation de l’avant-pays alpin et des Carpathes (Ziegler et al., 1998 ; Dèzes et al., 2004, Stampfli et Borel, 2002 ; Fig. 44). Les mouvements compressifs au Paléocène donnent lieu à la phase de compression “laramienne” (Paléocène moyen) (Ziegler, 1987) qui concerne un domaine plus vaste que la phase “sub-hercynienne”. Elle affecte les bassins associés au linéament Tonrquist-Teisseyre (Norling et Bergström, 1987 ; Hippolyte et al., 1996 ; Erlström et al., 1997), ainsi que les bassins de Basse-Saxe (Betz et al., 1987), le Graben central de la Mer du Nord (Van Wijhe, 1987 ; Vejbæk et Andersen, 1987) et les bassins Ouest néerlandais (Van Wijhe, 1987).
La géodynamique compressive s’opérant dès le Crétacé supérieur et au Paléogène est responsable de l’existence de grandes discontinuités sédimentaires raccordées aux différentes phases d'inversion des bassins mésozoïques (Ziegler et Dézes, 2005 ; Michon et al., 2003 ;Fig. 45).
La décroissance du taux de convergence est la conséquence de la collision des plaques africaines et européennes à travers l'orogenèse alpine. Cette phase compressive au Paléocène a affecté non seulement la marge d’Europe occidentale et centrale mais également le craton de l'Europe orientale ainsi que la marge Nord africaine (Ziegler et al., 2001 ; Nikishin et al., 2001). La remontée compressive vers le Nord de la plaque africaine sur la plaque eurasiatique engendre la surrection progressive de la chaîne alpine. La collision continentale proprement dite débute aux alentours de 35 Ma.
À partir de l’Éocène, il n’y a plus de déformation compressive dans l’avant-pays des Carpates et des Alpes orientales. Pendant l’Éocène et Oligocène, la plate-forme helvète et le domaine autochtone adjacent au Nord-Est commencent à subsider progressivement sous la charge des nappes austro-alpines qui se déplacent vers le Nord sur l’avant-pays. Cette subsidence éo-oligocène est accompagnée par le développement du bassin molassique Nord alpin (Ziegler, 1987). A l'Eocène supérieur, l’Apulie est en phase de collision avec la plaque européenne. Le socle européen est affecté par des grands chevauchements horizontaux. La couverture sédimentaire ductile est étirée en lames parallèles à l’arc alpin.
IV.5.3. Tectonique néoalpine
Dans les Alpes orientales, l'érosion des socles métamorphisés débute à l'Aquitanien (23 Ma) (Henry et al., 1994). La dénudation des zones externes en cours de structuration débute par l'érosion d'un socle non métamorphique (au Burdigalien) qui contient des granites alcalins tardi-varisques (Henry et al., 1994).
Au cours de l’histoire compressive alpine, un important bassin d’avant-pays (le bassin molassique) subside par flexure, en avant de la chaîne alpine. Le bassin molassique Nord alpin est un bassin classique de front orogénique qui s’est développé à partir de l’Eocène supérieur jusqu’à l’actuel en réponse à la surcharge lithostatique de la marge du sud de la plaque européenne via la collision continente de la plaque apulienne. Une vue d'ensemble sur la stratigraphie et l'évolution de l’ensemble du bassin molassique sont décrites dans Kuhlemann et Kempf (2002). Le matériel détritique issu de l’érosion se dépose dans les sillons molassiques péri-alpins où le maximum de subsidence et d’apport détritique est atteint au Miocène inférieur. Les dépôts sont marins à l’Oligocène (35-25 Ma) et lacustres au Miocène (25-5 Ma) (Sissingh, 2006).
Les mouvements de serrage transversal à la chaîne sont particulièrement importants autour de - 28 Ma puis de - 5 Ma. La tectogénèse néoalpine est responsable de la formation du bombement péri-alpin (forbuldge) et de l’émersion définitive des bassins molassiques miocènes (Ziegler, 1990 ; Kuhlemann et Kempf, 2002 ; Genser et al., 2007).
IV.5.4. Déformation cénozoïque extensive
Dans un contexte général de tectonique alpine et d’inversion des bassins de l’Europe occidentale (Ziegler, 1982), l’avant-pays de la chaîne alpine en formation est soumis à une extension à l’Eocène supérieur amorçant la mise en place d’une phase de rifting associé à des provinces volcaniques. (Fig. 45). La création de fossés d'effondrements et le volcanisme qui résulte de cette extension correspondent au système du Rift Ouest-européen (Coulon, 1992 ; Merle et Michon, 2001 ; Michon et al., 2003). Ce dernier est un système de grabens formé durant le Cénozoïque et qui est disposé concentriquement autour de l'arc alpin. Cette structure est constituée de trois provinces principales réparties sur plus de 1000 km : le massif bohémien, la Province Rhénane et le Massif Central (Fig. 45).
La chaîne alpine est spatialement et temporellement connectée au rift Ouest européen (Fig. 45 ; Michon et al., 2003). A l'Est, le môle hercynien du massif de Bohême est recoupé par un fossé d'effondrement orienté N60E (graben de l'Eger). La Province Rhénane constitue la seconde structure extensive composée par les grabens du Rhin (N20E), de la Ruhr (N140E) et de la Hesse (N20E). Le graben de la Ruhr constitue la terminaison septentrionale du Rift Ouest européen et son évolution est intimement liée à celle du rift de la Mer du Nord (Kooi et al., 1991 ; Zijerveld et al., 1992). Plus au Sud, le Massif Central constitue le segment du Rift Ouest européen. Les grabens sont reliés par de larges zones de transfert tectonique depuis le Massif Central jusqu’au massif de Bohême (zone transformante Rhin-Saône et de Franconie).
Les grands évènements de la géodynamique globale décrits plus haut sur le domaine Ouest européen sont synthétisés à la Figure 46.
IV.6. Emersion et phases d’altération post-varsique.
Les épisodes de non sédimentation ou d’émersion des socles sont soumis à l’altération météorique responsable de la formation de la kaolinite. La kaolinite dérive principalement de l'altération de roches silico-alumineuses (granites, basaltes, gneiss, verres volcaniques, grès argileux, argiles, schistes,…). En ce qui concerne les roches sédimentaires, la formation de kaolinite est associée à l'altération qui affecte les feldspaths et les minéraux argileux. La datation précise des minéraux d’altération sont de bons marqueurs de mise à l’affleurement d’une région (indice de paléosurface) et constituent une contrainte non négligeable pour les simulations thermiques des TFA.
Plusieurs travaux récents proposent une synthèse des phases d'altérations kaolinitiques en Europe de l'Ouest et centrale (Godard, 1989 ; Migon et Lidmar-Bergström, 2001 ; Migon et Lidmar-Bergström, 2002 ; Quesnel et al., 2002a ; Wyns, 2002 ; Quesnel, 2003 ; Wyns et al., 2003). L’ensemble des auteurs mentionnent quatre périodes d'altérations kaolinitiques en Europe : Permo-Trias à Jurassique, Crétacé inférieur, Paléogène et Néogène à Quaternaire (Fig. 47). Ces périodes d’altération correspondent à un arrêt de la sédimentation et une mise à l’émersion des séries sédimentaires ou du socle cristallin.
Les épisodes d’altération observés sur le domaine ardennais et bohémien s’inscrivent au niveau des grandes phases d’altération visibles à l’échelle de la marge européenne.
En Ardenne et en Bohême, la relation entre épisode de soulèvement et déformations lithosphériques avec les épisodes d’altérations météoriques restent à mettre clairement en évidence car la tectonique post-varisque de ces massifs reste peu documentée. Cependant, il est très vraisemblable que l'Ardenne et la Bohême aient subit en partie les déformations reconnues par ailleurs en Europe de l'Ouest.